Opérant dans un marché fragmenté des services circulaires au travail, la société Elis a assis son développement à l’international sur une stratégie d’acquisitions offensive, marquée par la réalisation de plusieurs transactions significatives chaque année. L’exercice 2024 ne devrait pas déroger à la règle.
Elis repasse la seconde. Après un exercice 2023 inhabituellement atone en matière de M&A, avec seulement deux rachats de taille modeste – quelques millions d’euros – en Italie (Gruppo Indaco) et en Espagne (Compañia de Tratamientos Levante), le leader mondial des services circulaires (linge plat, vêtements professionnels, protections des sols, sanitaires, essuyage industriel, boissons…) a démarré l’année 2024 pied au plancher.
Mi-janvier, il a en effet officialisé la signature d’un accord portant sur l’acquisition de Moderna Holding BV. D’un montant légèrement supérieur à 50 M€, cette opération va contribuer à compléter son réseau existant aux Pays Bas, notamment sur le marché jugé porteur du vêtement de travail, tout en lui permettant d’y adresser le marché du « linge plat » (draps, housses de couettes, nappes…), sur lequel il n’opérait jusqu’alors pas. D’autres transactions de cette nature devraient intervenir dans les prochains mois, en Europe comme ailleurs. « En ce début d’année, nous sommes fortement sollicités par des entrepreneurs désireux de vendre leur entreprise, explique Nicolas Buron, directeur relations investisseurs, financement et trésorerie d’Elis. Dans ce cadre, nous devrions nous montrer très actifs sur le front de la croissance externe. »
Entre 50 et 100 M€ par an
Depuis la création en 1968 du groupe à la suite d’un rassemblement d’activités localisées dans la région parisienne, la croissance externe est au cœur de sa stratégie de développement. « Dans la mesure où nous livrons nos clients, la proximité est clé. Dans un souci de réduire les distances parcourues pour ce faire, et par là même les frais associés, nous avons ainsi fait le choix d’un modèle reposant sur un réseau très dense de centres de taille réduite », détaille Nicolas Buron qui, toutes proportions gardées, dresse un parallèle avec Amazon. Or, pour y parvenir, Elis a considéré qu’il gagnerait du temps à élargir son maillage territorial par le biais de rachats d’actifs existants. Une approche d’autant mieux adaptée que « nos marchés sont très fragmentés, et qu’un volant d’entrepreneurs proches de la retraite souhaitent en permanence monétiser le travail de leur vie via une cession de leur participation », complète le responsable. C’est donc pour cette raison qu’Elis annonce, en règle générale, autour de huit acquisitions chaque année. Et encore, ce chiffre est en deçà de la réalité. « Nous ne communiquons que sur les transactions significatives, c’est-à-dire celles pour lesquelles la cible génère un chiffre d’affaires minimum de 5 M€ en France et de 3 M€ à l’étranger », précise Nicolas Buron.
Se voulant opportuniste, la société, qui est cotée sur Euronext Paris, ne détermine auprès des investisseurs aucun objectif ni en nombre d’opérations ni de budget à allouer au titre de la croissance externe. Exception faite du millésime 2023, cette dernière implique des investissements annuels généralement compris entre 50 et 100 M€. « Pour 2024, il est d’ores et déjà acquis que le montant cumulé de nos acquisitions excédera ce plafond », prévient Nicolas Buron. Multiple communément dans le secteur, chaque acquisition de taille modeste est valorisée à hauteur de 1 fois environ le chiffre d’affaires annuel.
Une équipe interne restreinte
Pour mener à bien ses projets M&A, Elis s’appuie, en interne, sur une équipe restreinte. Chapeautée par Matthieu Lecharny, directeur général adjoint de la société, cette structure comprend deux collaborateurs. Le premier, un ancien consultant en audit, est en charge tout particulièrement de la réalisation des due-diligences ou de leur suivi lorsque celles-ci sont exécutées par un tiers. Outre la qualité de l’actif industriel et du portefeuille de clients de la cible, l’accent est mis sur le climat social – la main-d’œuvre représente 60 % de la base de coûts d’Elis – et sur l’audit environnemental. « L’une de nos priorités consiste à nous assurer que nous ne rachetons pas un sol pollué », informe Nicolas Buron. La politique M&A du groupe exclut par ailleurs par principe toute acquisition dans les paradis fiscaux ou considérés comme des États ou des territoires non coopératifs (« ETNC ») au regard de la loi française ou de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Occupant auparavant des fonctions opérationnelles dans l’entreprise, le deuxième membre de l’unité M&A se focalise quant à lui sur les différents aspects liés à l’intégration.
En matière d’identification des cibles, Elis s’appuie sur plusieurs canaux. Figurant parmi les principaux consolideurs de son secteur, le groupe reçoit déjà de nombreux appels entrants de la part de candidats à la vente. En parallèle, sa présence locale lui permet d’être informé rapidement des opportunités à saisir. « Nous évoluons dans un petit milieu, au sein duquel tout le monde se connaît », confirme Nicolas Buron. Enfin, la société maintient, dans les pays où elle est présente, des contacts avec d’anciens salariés et dirigeants qui, depuis reconvertis comme consultants, lui font remonter de telles informations. « Ce sont en quelque sorte nos sherpas locaux », résume Nicolas Buron. Une fois un actif intéressant repéré, Elis a pour habitude de négocier avec le vendeur en bilatéral. « Nous ne participons jamais à des processus d’enchères », ajoute-t-il. De même, le recours à des conseils financiers, comme lors de l’offre publique d’achat lancée en 2017 par Elis sur son concurrent britannique Berendsen pour plus de 2 Mds£ (la plus grosse acquisition de son histoire), est exceptionnel.
La conquête de nouveaux marchés en vue
Pour 2024, Elis ne se ferme aucune porte, loin s’en faut. « Nous prospectons dans l’ensemble de nos marchés et de nos pays », insiste Nicolas Buron. Pour la première fois depuis l’été 2022 et son implantation au Mexique (voir encadré), le groupe de blanchisserie industrielle pourrait également inaugurer un nouveau pays. Il opère à ce jour dans 29 territoires, en Europe et en Amérique latine. Quoi qu’il en soit, après avoir dégagé un chiffre d’affaires de 4,3 Mds€ en 2023, un record, sa direction a annoncé la couleur : « 2024 devrait être une nouvelle année de croissance rentable pour Elis ». Autre quasi-certitude, le M&A, après avoir soutenu la croissance des revenus de seulement + 1,8 % l’an dernier, devrait contribuer sensiblement plus aux performances du groupe.