Comment le groupe Siparex se démarque aujourd’hui dans un écosystème très concurrentiel et face à un important mouvement de consolidation du secteur ?
Le marché est en effet très concurrentiel, l’offre est importante, puisqu’il y a 450 sociétés de gestion en France. Siparex existe sur le marché depuis bientôt 50 ans. Il incarne une culture française du private equity, par son ADN ancré dans les territoires, même si depuis une dizaine d’années le groupe s’est également étendu à l’international. Nous avons aujourd’hui plusieurs implantations à l’étranger,
en Belgique, en Allemagne, en Italie, et un partenariat au Canada pour accompagner nos entreprises en dehors de France.
Depuis 2009, j’ai la chance de diriger Siparex et je suis fier que l’on ait construit une plateforme qui a du sens. D’abord par notre présence dans le secteur de l’innovation, avec XAnge, dans celui de l’énergie avec la transition énergétique et le nucléaire, ainsi que dans la transmission et l’accompagnement de la croissance des PME et ETI, sans oublier notre activité en mezzanine. Nos savoir-faire sectoriels correspondent aux grands enjeux contemporains des entreprises. Fort de cette organisation, Siparex n’est pas un investisseur classique. Le fait d’être né dans les territoires nous confère une certaine proximité, naturelle, avec les dirigeants. Nous les accompagnons aussi avec une équipe opérationnelle dédiée, notamment sur les enjeux digitaux, RH, climat…
La vertu de notre métier est également de permettre à des managers de devenir un jour entrepreneurs en montant au capital de leur entreprise.
L’actionnariat de Siparex
est également assez original…
Siparex est un groupe indépendant. L’équipe de partners détient 60 % du capital de la société de gestion et les 40 % restants sont détenus par une holding, Siparex Associés, composée de grands industriels comme Michelin, Mérieux, Seb, Dassault et d’institutionnels comme Crédit Agricole Assurances, Apicil, MACSF, Mouvement Desjardins… Cette structuration est originale et diffuse aussi une certaine culture industrielle dans l’accompagnement des entreprises que nous détenons en portefeuille. Le rôle de cette holding est également d’être sponsor des fonds du groupe, ce qui permet d’accélérer les levées de fonds.
Siparex avait été un
des premiers fonds à créer un club de dirigeants des entreprises en portefeuille. Où en est-il aujourd’hui ?
Au regard de nos nombreuses lignes de métier, Siparex a la chance d’avoir un large portefeuille. L’objectif de ce club était de réunir les dirigeants de nos participations pour les faire se rencontrer, créer des synergies et partager des bonnes pratiques. Aujourd’hui, le club Siparex a évolué en suivant les nouvelles attentes et besoins du marché. Ce n’est plus une association, mais l’esprit perdure. Nous organisons des événements dédiés aux dirigeants de nos participations, visant à répondre à leurs interrogations quotidiennes : comment augmenter la rentabilité dans un contexte difficile ? comment croitre à l’international ? etc… Témoignages et discussions informelles s’engagent entre dirigeants qui apprécient ces moments de partage et de business sous l’égide de nos équipes communication et operating team.
De notre côté, nous avons évolué dans notre méthode d’accompagnement des entreprises qui tend à allier exigence de performance qu’impose notre métier d’actionnaire et respect du patron entrepreneur. Nous sommes aujourd’hui majoritaires dans deux tiers des opérations que nous menons. Notre objectif : les aider à accélérer leur croissance ou réaliser une transmission.
Les débats qui ont eu lieu l’hiver dernier sur les management packages ont été assez inédits entre Bercy, les acteurs du capital investissement et certains dirigeants d’entreprises sous LBO réunis au sein de l’association ALESI. Comment les avez-vous vécus ?
Je les ai d’abord vécus en tant que président de France Invest, j’étais donc au cœur des débats. Il s’agit d’un sujet récurrent, l’administration fiscale française ayant déjà cherché à encadrer la pratique des management packages à travers la publication de divers textes. Mais la jurisprudence du Conseil d’État de 2023 est venue bouleverser les pratiques en requalifiant les management packages en traitement et salaires en fonction d’un certain nombre de critères, ce qui a donné lieu à plus de
300 redressements fiscaux à la fin de l’année 2024. Les managers et les entreprises – qui étaient elles-mêmes redressées pour les charges sociales – ont, légitimement, manifesté leurs inquiétudes.
L’administration a dès lors entrepris de travailler sur des règles visant à définir un cadre plus précis. À ce titre, Bercy a notamment consulté les équipes de France Invest avant la formalisation d’un nouveau texte. Je suis persuadé que ce nouveau cadre était nécessaire pour éviter une requalification de tous les managements packages. Bien sûr, il n’était pas parfait, il y avait des points à améliorer et sans doute un manque de pédagogie qui a donné lieu à de mauvaises interprétations. Après de nouvelles réunions avec l’ALESI, le Medef, Croissance Plus et France Invest, des précisions ont été apportées et des aménagements réalisés. Aujourd’hui, le texte est dans une phase de finalisation et devra encore être adopté par la loi de finances pour 2026.
Comment Siparex accompagne les managers de ses sociétés en portefeuille en cas de redressement fiscal du management package ?
Notre responsabilité est de construire avec les dirigeants et leurs conseils des schémas clairs et lisibles. Nous avons effectué une revue de tous les managements packages en vigueur au sein de notre groupe. Nous avons relevé que près de 90 % des man-packs existants s’inscrivent dans les limites fixées par la nouvelle loi, ce qui donne de la sécurité à chacun.
En 2024, Siparex a annoncé un second volume de cessions historique pour un montant de 415 M€, tandis que les investissements se sont élevés à 320 M€. L’année 2025 était attendue plus favorable aux opérations, avec un redémarrage des transactions et un retour probable des acheteurs corporate, en particulier américains. Qu’en est-il ?
Pour l’instant, nous respectons notre feuille de route 2025. Concernant les cessions, l’instabilité politique que la France connait depuis 18 mois n’a pas entrainé d’abandon de deals. J’avais anticipé le retour des corporates. Il a effectivement eu lieu. Nous avons d’ailleurs signé, avant l’été, la cession d’Apside, une entreprise du secteur des services numériques, au groupe canadien CGI.
Force est cependant de constater un certain ralentissement des opérations qui sont plus longues et délicates à conclure. Les current trading sont moins favorables et, comme l’environnement est globalement plus anxiogène, les acheteurs peuvent vouloir rediscuter et réaménager les deals. Le marché est très polarisé, mais je vois tout de même un ajustement des prix à la baisse sur certains actifs. Tout dépend du secteur et de l’exposition à l’international, par exemple une entreprise bien implantée dans le marché nord-américain est considérée comme un risque, tout comme celle qui travaille avec la sphère publique. Les investisseurs doivent donc faire preuve d’une forte agilité.
S’agissant des investissements, le marché a été un peu plus attentiste ces derniers mois. Le deal flow a été moins vigoureux sur le premier semestre en France à cause du ralentissement des opérations de transmission, pour des questions d’environnement conjoncturel et d’aléa fiscal. L’Italie est quant à elle dynamique, tout comme la Belgique et l’Allemagne.
Vous avez récemment publié un article dans La Tribune dans lequel vous évoquez un « basculement d’époque » et appelant à ce que la souveraineté économique européenne devienne « un projet d’investissement structurant fondé sur des secteurs critiques ». Quel rôle peut jouer le capital investissement dans ce cadre ?
Pour soutenir la souveraineté, il relève de la responsabilité des acteurs du capital investissement d’accompagner la croissance et la transformation des entreprises de notre pays pour en faire des champions européens, notamment dans l’industrie. Ce secteur représente une part croissante du financement par le private equity. Concernant Siparex, 40 % de nos actifs relèvent du secteur de l’industrie et des services associés, ce qui représente le double des autres acteurs de la profession. Cela s’explique sans doute par notre histoire et notre ADN.
Je suis également très fier que Siparex ait un fonds dédié au nucléaire pour investir dans l’excellence française avec le support de toute la filière de l’industrie nucléaire (et EDF en premier lieu), que ce soient de petits acteurs sous-traitants ou de plus grands. Notre rôle est aussi de rapprocher les entreprises du secteur pour leur donner une approche européenne et leur permettre de devenir des références. Toute une génération de dirigeants a l’ambition de sortir des frontières hexagonales, de voir plus loin. Et Siparex constitue cet accélérateur de croissance pour les accompagner à devenir des champions européens.
