a multiplié ses revenus par 5, et sa valorisation par 20 à l’occasion d’un troisième LBO orchestré sur-mesure par son management qui prend le contrôle de la gouvernance.
Seule une petite décennie sépare l’ancienne division santé d’Arjowiggins, cédée une bouchée de pain par le géant papetier en difficultés et la conquérante ETI d’emballage médical, courtisée par les « usual suspects » du LBO mid market. Et pourtant, en dix ans, Sterimed a réussi une impressionnante transformation du métier de fabricant de rouleaux de papier médical, activité qui ne pèse plus qu’un quart de ses 300 M€ de revenus aujourd’hui, à celui de fournisseur d’emballages et consommables de stérilisation pour les fabricants de dispositifs médicaux, les hôpitaux et l’industrie pharmaceutique. Une mutation menée tambour battant par son dirigeant Thibaut Hyvernat, à coup d’acquisitions et de croissance organique à deux chiffres, et cristallisée par un troisième LBO ce printemps, qui a valorisé l’entreprise plus de 600 M€, soit 20 fois plus que les 35 M€ du premier LBO conclu au forceps en 2016.
La recherche poussive d’un repreneur
Recruté à la tête de la division Healthcare d’Arjowiggins en 2010, Thibaut Hyvernat s’est attelé à préparer le détourage de cette entité pendant cinq ans. Avec une soixantaine de millions d’euros de chiffre d’affaires, la filiale de fabrication de papier médical non transformé végétait au sein du groupe mondial de plusieurs milliards d’euros de revenus. Bien que rentable, elle se retrouvait enlisée dans les difficultés du géant de la papeterie dont la longue déconfiture l’a amené à se délester de plusieurs divisions non-cœur de métier. Autant dire que les candidats à la reprise ne se bousculaient pas au portillon pour ce carve-out modeste et pas hyper glamour. De son début de carrière d’investisseur chez Sequana Capital dans les années 2000, Thibaut Hyvernat s’est constitué un solide carnet d’adresses dans l’écosystème du private equity, mais il avait beau être convaincu du potentiel de transformation de la belle endormie, les fonds de la place étaient pour le moins sceptiques. « Nous portions la croix des difficultés d’Arjowiggins même si nous étions rentables et la plupart des fonds de LBO ne croyaient pas en notre capacité à pivoter du métier de papetier à celui de fabriquant d’emballages de stérilisation pour les fabricants de dispositifs médicaux, les hôpitaux et l’industrie pharmaceutique », retrace le dirigeant. Personne n’y croyait sauf un : le fonds Meeschaert Capital Partners qui venait d’être créé par Hervé Fonta, un ancien d’Edmond de Rothschild avec le soutien du groupe Meeschaert.
À la recherche d’une première opération pour accélérer la levée de son premier véhicule, l’investisseur smid-cap était prêt à prendre plus de risques que les sociétés de gestion installées. Et bien lui en a pris, car le fonds, renommé en 2021 Meanings Capital Partners, a racheté Arjowiggins Healthcare pour une valorisation d’environ 35 M€ en 2016 et l’a revendu plus du triple en 2019 lors du LBObis avec Sagard. Entretemps, l’intuition forgée par Thibaut Hyvernat s’est matérialisée dans les chiffres. « Nous avions déjà posé les jalons de la transformation avant la réalisation du carve-out, mais dans ce métier à mèche très lente, les actions engagées sur le plan opérationnel et commercial mettent du temps à se traduire au niveau financier », explique le CEO de Sterimed. Sauf que pour accélérer son intégration verticale dans la chaîne de valeur de l’emballage médical, la PME tricolore avait besoin de réaliser des acquisitions. Dans un secteur déjà fortement consolidé au niveau mondial où le numéro un australien Amcor a signé l’acquisition du numéro deux américain Bemis en 2018, les opportunités de build-up sont rares et chères. Or, au premier semestre 2019, l’activité d’emballages médicaux en Europe de Bemis était en vente pour respecter les conditions anti-trust imposées par l’Union Européenne suite à cette fusion d’envergure. Une opportunité qui n’a pas échappé à la convoitise du petit poucet Sterimed, qui n’a pas eu les moyens de s’offrir cette jolie cible, passée sous son nez dans le giron du concurrent américain Nelipak. S’il s’est rabattu sur des acquisitions à sa portée au Mexique et en Chine, cette déconvenue a été l’occasion de revoir la structure actionnariale et de troquer Meeschaert Capital pour un actionnaire financier aux moyens mieux calibrés pour accompagner ses ambitions de croissance.
L’ère de la conquête avec Sagard
Toujours à la manœuvre et sans lancer de process ni faire appel à un banquier d’affaires, Thibaut Hyvernat reprend maille avec Sagard, qui avait déjà regardé le dossier en 2014 lors des premières tentatives infructueuses de spin-off. Si à l’époque, l’opération était jugée trop risquée pour le fonds mid-cap, la donne avait changé avec une transformation déjà bien amorcée et deux acquisitions dans le pipe. Pour une valorisation d’environ 130 M€, le fonds sponsorisé par la famille canadienne Desmarais, prend la majorité du capital de Sterimed en 2019, offrant une belle plus-value à son prédécesseur et permettant au management de se reluer. Dès lors, le tempo des acquisitions s’accélère. Après avoir intégré le mexicain Grupo EEE puis le chinois Green Sail fin 2019, Sterimed se donne les moyens de reprendre l’activité européenne d’emballage hospitalier de l’américano-australien Amcor en 2021. Moyennant une valorisation de 11 fois l’Ebitda de la cible, l’ETI tricolore met la main sur un périmètre de 42 M€ de revenus générés par un site de production à Coulommiers ainsi que deux entités de distribution en Espagne et en Allemagne, lui faisant dépasser le cap des 200 M€ de chiffre d’affaires. Le groupe, qui avait déjà étoffé son activité de papier médical avec les films plastiques produits en Chine par Green Sail continue, avec l’entité reprise à Amcor, son intégration vers l’aval. Loin de faire une pause digestive, Sterimed poursuit sur cette lancée, signant deux acquisitions par an. En 2022, l’industriel tricolore a acquis une deuxième entreprise en Chine, un spécialiste du film plastique très technique et très fin pour emballer, notamment, les dispositifs médicaux. Le papetier se diversifie ainsi pour compléter son offre et marcher sur les platebandes de ses concurrents internationaux, dont l’ADN vient de l’emballage plastique. Après avoir mis la main la même année sur le britannique Westfield Medical, un fabricant d’emballages de stérilisation pour les hôpitaux et les dispositifs médicaux de 20 M€ de revenus, Sterimed a acquis Granton Medical au printemps 2023, lequel lui a apporté un nouveau métier, le « contract packing » (services de conditionnement à façon) et près de 10 M€ de chiffre d’affaires. Dans la foulée, le groupe pose un pied en Irlande avec Steripack, territoire stratégique pour servir le marché européen. Puis, en 2024, l’acquisition de Riverside lui permet de se lancer dans l’emballage des médicaments et d’adresser les hôpitaux et les laboratoires pharmaceutiques. « Ces acquisitions ont été majoritairement réalisées de gré à gré en proposant aux cédants de poursuivre l’aventure au sein de Sterimed grâce à notre modèle d’association d’entrepreneurs », précise Thibaut Hyvernat.
La consécration du LBOter
Avec un chiffre d’affaires doublé à quelque 300 M€ et un Ebitda quasiment quintuplé en l’espace de cinq ans, l’heure de la recomposition actionnariale sonne à nouveau à l’aube de l’année 2025. Comme à son habitude, le dirigeant préfère mener la danse à sa manière, sans intermédiaire financier ni processus concurrentiel, avec cette fois-ci l’objectif de prise de contrôle du management de la gouvernance de l’entreprise, schéma audacieux pour un troisième buyout. Pour ce faire, Thibaut Hyvernat s’est inspiré des montages de certains managers de LBO emblématiques comme celui de Ceva pour constituer un pool appelé « les amis de Sterimed » contrôlant 42 % du capital. Cet ensemble est donc constitué des cadres clés, mais aussi de Société Générale Capital Partenaires, Geneo Capital Entrepreneur, Capza et le fonds Investir pour l’Enfance géré par Raise. Sont aussi présents plusieurs familles et entrepreneurs de sociétés acquises par le groupe ces dernières années, comme les familles Moore (Steripack) et Shaw (Riverside). Le solde de 58 % du capital se partage de manière relativement équilibrée entre Sagard, qui réinvestit, et IK Partners. Mais une valorisation à plus de 13 fois l’Ebitda dans le contexte d’incertitude actuel n’est-elle pas le fruit d’un dangereux emballement ? Ce qui est certain, c’est que ni le management, qui a initié ce montage pour devenir le premier actionnaire au capital, ni le fonds cédant Sagard, qui réinvestit significativement dans cette opération, ni évidemment le nouvel entrant IK, n’ont intérêt à une valorisation excessive. « Nous nous sommes entendus avec Sagard sur un prix d’équilibre qui lui permette de cristalliser la création de valeur de ce dernier cycle tout en bénéficiant de l’upside sur le prochain cycle dans lequel il réinvestit plus du double du ticket du précédent LBO », confie le CEO de Sterimed, qui a embarqué dans le cercle managérial une trentaine de cadres dirigeants. Au fil des plans d’actionnariat salarié, plus de moitié des 1 500 collaborateurs du groupe ont également eu accès au capital de leur entreprise, distillant l’ADN entrepreneurial de l’ancienne filiale d’Arjowiggins à l’ensemble de ses équipes. Et il va sans dire que l’objectif du prochain quinquennat est ambitieux, avec un doublement des revenus à 600 M€ en 2030 en appliquant les mêmes recettes de croissance organique et externe, Sterimed étant désormais identifié comme un consolidateur crédible de son secteur en Europe.
