du prix des matières premières.
En pleine crise du bâtiment qui a entraîné une vague de faillites sans précédent dans le secteur, le fabricant de charpentes industrielles G2C a pris le risque de reprendre à la barre du tribunal une entreprise qui faisait presque sa taille. Peut-être que d’avoir lui-même frôlé la faillite lui a donné assez de confiance en sa résilience et en sa capacité de dupliquer les recettes qui l’ont sauvé il y a cinq ans sur son confrère souffrant grosso modo du même mal : trop de dette et une gouvernance inadaptée aux temps incertains.
Une reprise en plein confinement
L’activité du fabricant de charpentes industrielles en bois, connu notamment pour sa marque Champeau, avait été reprise début 2020 par le spécialiste du retournement Arcole dans le cadre d’une liquidation judiciaire. Lesté d’une dette calibrée sur un LBO en haut de cycle en 2006, le fabricant de charpentes en bois s’était pris de plein fouet l’effondrement du marché après la crise financière de 2008. « Nous avons réussi à survivre pendant plus d’une décennie en réduisant la voilure mais à aucun moment, nous n’avons eu les moyens de mettre en place un plan de redéploiement ambitieux, ce qui nous a mené au stade de soins palliatifs avec un chiffre d’affaires divisé par deux et une trésorerie exsangue jusqu’au dépôt de bilan de la holding en 2020 », confie Bruno Faye, directeur général de G2C. Le socle du groupe, l’entreprise Champeau, a été créée il y a près d’un siècle en 1929 à Eymoutiers, en Haute-Vienne. Entreprise de menuiseries et de charpentes traditionnelles aux origines,
elle s’est développée dans les années 70 en adoptant le process de la charpente industrielle en France.
Ce procédé américain composé
d’un ensemble de bois triangulés (appelés fermettes) assemblés
par connecteurs métalliques
a fait le succès de Champeau, pionnier de son importation en Europe. Le petit-fils du fondateur Jean-Pierre Champeau, a profité de ces temps fastes pour multiplier les LBO dès la fin des années 90 jusqu’à celui de trop, en 2006, avec Ardian et Andera, qui ont essuyé le retournement de cycle et le déclin inexorable de la PME industrielle malgré les efforts de l’équipe de direction de la maintenir à flot.
« Bruno Faye est venu voir Arcole en 2019 pour nous faire part d’un conflit actionnarial larvé et de la nécessité de recalibrer une dette LBO devenue insoutenable », retrace Alexandre Bachelier, associé d’Arcole Industries. Figurant parmi les rares acteurs du retournement en France avec un track-record de belles PME industrielles, Arcole s’est laissé convaincre par la ténacité du management et signé la reprise de la société début mars 2020. Une première opération visant à racheter les créances des prêteurs et les titres de capital avait dans un premier temps été initiée. Si les prêteurs avaient été d’accord, les minoritaires s’y opposaient. Par conséquent, il a été décidé de liquider la holding qui était essentiellement constituée des titres des filiales, ce qui a permis à la holding industrielle Arcole Industries de se positionner à la reprise de l’intégralité des actifs, dans le cadre de la liquidation judiciaire prononcée le 6 mars 2020 par le tribunal de commerce de Limoges. « J’ai repris la présidence du groupe en plein confinement et nous avons formé un attelage immédiatement opérationnel avec Bruno Faye pour remettre à plat le fonctionnement du groupe », relate Alexandre Bachelier.
Choc de confiance
Délestée d’une dette LBO de 11 M€ pour un chiffre d’affaires d’une quarantaine de millions et une rentabilité à peine à l’équilibre, le groupe de charpente profite de cette bouffée d’oxygène pour créer un « choc de confiance » avec ses assureurs-crédit et ses fournisseurs. « Les renégociations des conditions d’achat avec les fournisseurs ont permis de générer 20 % d’économies, ce qui nous a permis de recréer rapidement un cercle vertueux pour la gestion du BFR », précise Bruno Faye. Au bout d’à peine plus d’un trimestre, la société a pu profiter d’un BFR négatif de 2 à 3 M€. Ce qui lui a permis le luxe de ne pas toucher au PGE de 6 M€ qu’elle avait sollicité par mesure de précaution. En plus des 1,5 M€ injectés par Arcole en compte courant, G2C est devenu « cash-rich », de quoi réinstaurer la confiance de ses fournisseurs et de son écosystème. « Ce choc de confiance financier nous a enfin libéré de cette charge mentale des fins de mois pour nous recentrer sur le redémarrage industriel en investissant dans de nouvelles machines performantes, en réorganisant nos ateliers et en recrutant à de nouveaux postes, comme le contrôle de gestion qui nous a permis d’avoir un regard nouveau sur notre organisation », poursuit le dirigeant de G2C, qui a mis en place des outils de mesure de productivité dans les ateliers, planché sur la réduction des dépenses énergétiques et la gestion des déchets et réinvesti dans son système informatique pour remplacer son ERP vieillissant. De quoi lancer une nouvelle dynamique et remotiver les salariés pour des projets de croissance après des années de déclin. « G2C était une belle endormie avec de très bons fondamentaux et des salariés très investis. Nous n’avons pas eu à mettre en place un PSE et avons repris 100 % des salariés des sociétés d’exploitation, ce qui a contribué à instaurer un climat de confiance », souligne Alexandre Bachelier.
Un nouveau palier
Grâce à ces mesures de rationalisation et de remobilisation des salariés, l’entreprise a rapidement renoué avec la rentabilité, dégageant 3,5 M€ d’Ebitda pour 43 M€ de chiffre d’affaires en 2023, trois ans après la reprise par Arcole. De quoi lui donner les moyens d’aborder sereinement la nouvelle crise du secteur de la construction, mais pas seulement en faisant le dos rond. « Nous voulions développer l’ossature bois qui était le parent pauvre du groupe, un peu trop dépendant de la charpente industrielle. Nous avons saisi l’opportunité de reprendre les actifs des sociétés Roux et Elan, qui nous apportent 170 salariés et une belle notoriété sur cette expertise complémentaire », détaille Bruno Faye. En juillet 2024, le groupe limousin reprend ainsi la majorité des actifs du spécialiste du bois Alsos, chapeautant les sociétés Roux et Elan. Placé en redressement judiciaire en juin 2024, celui-ci était détenu majoritairement par son management, tandis que les fonds d’investissement A Plus Finance et Crédit Agricole Alpes Développement se partageaient 40 % du capital. Dans le cadre d’une opération financée sur fonds propres, l’acquéreur a mis la main sur Elan Gipen et André Roux, les deux sociétés couvrant ensemble toute la chaine de la construction bois, de la conception à la pose, pour un chiffre d’affaires d’une quarantaine de millions d’euros en 2023. Seul le site de Remoulins, dans le Gard, n’a pas été repris en raison de sa proximité avec celui de l’acquéreur à Tavel. Présentant de nombreuses similarités dans son histoire entrepreneuriale et son ADN culturelle avec son repreneur, la PME avait subi une crise de liquidité à cause de l’effet ciseaux de la flambée des matières premières et de chantiers ruineux comme celui du village des JO qui l’a précipitée en RJ. Mais le groupe bénéficie d’une forte notoriété sur son marché, portée notamment par sa filiale André Roux présente depuis 1954. Cette entité, dont la marque va être conservée, intervient sur la construction de chalets, hôtels, et établissements de plage, y compris haut de gamme. « Cette reprise à la barre a mobilisé beaucoup de BFR et l’énergie des équipes pour réussir l’intégration d’une entreprise qui faisait quasiment notre taille, mais elle nous a permis de gagner plusieurs années en termes de croissance et de diversification », conclut Bruno Faye, le directeur général du groupe G2C, qui a pu compter sur la mobilisation de son actionnaire lors de cette étape délicate. « Nous avons apporté le support technique pour cette opération structurante qui a déjà commencé à porter ses fruits au bout de seulement quelques mois avec une intégration réussie des équipes sans départ de personne clé ni de guerre culturelle entre les deux entités », se félicite Alexandre Bachelier. L’ETI aura donc mis toutes les chances de son côté pour être prête à la reprise du secteur du bâtiment, en crise sévère depuis trois ans, même si la construction bois tire un peu mieux son épingle du jeu, favorisée par le durcissement des normes environnementales et une tendance sociétale en faveur de ce matériau noble et écologique. Avec un spectre de métiers élargi et une position dans le top 5 du marché français de la construction bois, G2C table sur un chiffre d’affaires 2025 de 50 M€ à l’équilibre avec un objectif à 65 M en sortie de crise pour un niveau de rentabilité de 8 à 10 %.
