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Cetih ouvre 
une nouvelle voie

L’ETI nantaise de menuiserie industrielle est devenue la première entreprise à mission en France dont l’actionnaire principal est un fonds de dotation philanthropique, talonné par l’actionnariat salarié. Un trio de fonds d’investissement complète ce tour de table atypique.

Du MBI sponsorisé par 3i en 1995 au fonds de dotation philanthropique, premier actionnaire de l’entreprise lors de sa transmission managériale en 2021, Cetih est devenue un cas d’école de la possibilité de conjuguer une politique RSE exemplaire et une croissance forte. Tablant sur un chiffre d’affaires de 280 M€ cette année et employant 1 500 collaborateurs, l’ETI spécialisée dans l’enveloppe de l’habitat et la rénovation énergétique s’est illustrée en juillet 2021 en devenant la première entreprise à mission détenue par un fonds de dotation à l’occasion de la transmission de son fondateur Yann Rolland à son dauphin François Guérin. « Pour garantir l’indépendance de l’entreprise et ne pas la subordonner à un actionnariat financier, Yann Rolland a choisi de léguer 40 % de sa participation à un fonds de dotation philanthropique qui en devient le premier actionnaire avec 35 % du capital », explique le nouveau p-dg de Cetih François Guérin, qui a intégré la direction de l’entreprise en 2009. En deuxième position, l’actionnariat salarié et le management détiennent 33 %. « J’ai réussi à embarquer plus de 700 salariés dans un FCPE qui possède 17 % du capital », précise le dirigeant, lui-même à la tête de 14 %, tandis que le reste du comex détient 2 %. Le dernier petit tiers (32 %) du capital de Cetih est dévolu à l’actionnariat financier, là encore, via un attelage hybride. « Nous avons choisi un partenariat avec le fonds de transition énergétique de Tikehau pour leur expertise sectorielle sur une activité en fort développement chez Cetih, le fonds Quadia pour son positionnement pionner sur l’impact, et Ouest Croissance, déjà présent dans le tour de table précédent, pour son ancrage territorial », décrypte François Guérin. Si la valorisation de l’entreprise est tenue secrète, on devine bien que le scénario retenu n’est pas celui de la maximisation de la plus-value, et que Yann Rolland a finalement voulu éviter à son successeur le passage obligé par le LBO majoritaire que lui-même a subi.

Dix ans de LBO

Car en reprenant en 1995 une PME florissante spécialisée dans les portes d’entrée du nom de Bel’m aux 10 M€ de chiffre d’affaires, Yann Rolland découvre par la même occasion les montages LBO, encore confidentiels à l’époque, avec le fonds anglo-saxon 3i, un des pionniers des opérations à effet de levier en France. Dix ans et un chiffre d’affaires quintuplé plus tard, le dirigeant arrive à prendre la majorité du capital lors d’un troisième MBO monté avec Abénex (ex- ABN Amro Capital) en 2005, et après être passé en 2000 dans le portefeuille d’Atria (aujourd’hui dans le giron de Naxicap). Ces trois LBO successifs l’ont vacciné contre les montages tendus avec le couperet de la dette et le désalignement d’intérêt entre des actionnaires financiers obnubilés par leur TRI à cinq ans et un management qui se projette à long terme.  

Mais c’est également grâce au LBO que le chef d’entreprise a réussi à ouvrir l’actionnariat à ses salariés, élargissant le cercle à chaque tour de table. En 2009, 137 des 500 salariés de la menuiserie industrielle de Machecoul (1/3 cadres, 1/3 employés et 1/3 ouvriers) détiennent 10 % du capital, Yann Rolland en possède 57 %, IPO, Ouest Croissance et Sodero se partageant le tiers restant. C’est là que François Guérin fait son entrée au poste de bras droit de Yann Rolland, prenant la direction général de l’entreprise, séduit par un projet entrepreneurial aux valeurs humanistes. « Le développement de Cetih repose sur quatre piliers : la performance opérationnelle qui conditionne notre survie, la qualité qui garantit notre pérennité, l’innovation qui assure notre croissance et la RSE qui apporte la cohésion et fédère l’ensemble des salariés autour d’une même vision à long terme », résume François Guérin, qui écume depuis plus de dix ans les cercles de réflexion sur la raison d’être de l’entreprise et les pistes pour un capitalisme plus responsable. L’aboutissement de ses travaux s’est concrétisé l’année dernière avec l’adoption du statut d’entreprise à mission et la définition de sa raison d’être: « s’engager pour une entreprise et un habitat durables, harmonieux et tournés vers l’humain »

Engagement environnemental

Si la fibre sociale et sociétale du management a fait ses preuves, la menuiserie industrielle a été également une des premières PME du secteur à s’engager sur l’éco-conception de ses produits et leur durabilité. Cetih mène en outre une politique achats éco-responsable, avec des approvisionnements en bois issu de forêts gérées durablement. Enfin, le groupe s’engage à diviser par deux son empreinte énergétique d’ici à 2030 ou d’intégrer un matériau biosourcé dans chaque gamme de produits. La transition énergétique vise à imaginer de nouvelles façons d’agir pour maîtriser la consommation énergétique du groupe et à diminuer l’impact direct sur l’environnement, en agissant sur les leviers possibles : eau, air, intelligence énergétique, solutions solaires pour limiter les consommations d’électricité et de gaz, gestion des déchets. Cetih a ainsi installé 900 m² de panneaux solaires sur les toits de trois des sept sites de fabrication, qui produisent 15 % de la consommation d’électricité. L’objectif étant de couvrir 30 % de la consommation d’ici 2028.

Un engagement qui se fait sans angélisme dans un contexte de compétitivité accrue pour l’entreprise qui a connu des croissances à deux chiffres depuis trois décennies. « Notre modèle est puissant quand l’environnement est porteur mais aussi résilient quand les temps sont plus durs », assure François Guérin, qui a été toutefois vigilant à ne pas trop exposer ses salariés à l’actionnariat de l’entreprise en les incitant à la prudence et en les dissuadant de s’endetter pour accéder au FCPE. Un sacré exercice de pédagogie, d’autant que l’entreprise s’est développée à la fois par croissance organique et externe en rachetant la marque de portes design Zilten en 2007, les fabricants de fenêtres PVC et aluminium MTN et PAB en 2011, puis en finalisant l’acquisition en 2018 du seul fabricant français de solutions solaires pour le résidentiel Systovi et, encore récemment en mettant la main en avril dernier sur le fabricant de fenêtres en bois et mixte (bois et aluminium) Bignon. « à chaque acquisition, c’est cinq à sept ans d’intégration pour homogénéiser la culture et transmettre l’ADN du groupe », confie le p-dg de Cetih, conscient que plus l’entreprise grossit et plus le risque de déconnexion entre le management et l’ensemble des salariés s’accentue.

Vers l’entreprise « regénératrice » ?

Convaincu par une gouvernance collégiale et la nécessité d’ouvrir l’entreprise sur la société, François Guérin pilote un comité stratégique regroupant le représentant des salariés actionnaires, un membre de chaque fonds et quatre dirigeants d’entreprise apportant des regards et expertises complémentaires. Il a également créé en parallèle un comité de mission présidé par Virginie Raisson-Victor, présidente du Laboratoire d’études prospectives et d’analyses cartographiques (Lépac), co-initiatrice du Grand Défi des entreprises pour la planète et présidente du GIEC Pays de la Loire. Ces deux organes permettront d’assurer l’articulation de la stratégie et de la mission de l’entreprise, en dialogue avec l’ensemble de ses parties prenantes. Et ils ne seront pas de trop pour plancher sur le prochain chantier de transformation de Cetih : l’entreprise régénératrice !

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