Accueillir à son capital un entrepreneur qui compte plusieurs dizaines d’acquisitions à son actif a-t-il forcément une incidence sur les ambitions de croissance externe de l’entreprise concernée ? Pour les équipes de SMAC, la réponse ne fait aucun doute. Créée en 1884, cette ETI spécialisée dans les travaux de rénovation énergétique, de façade, d’étanchéité et d’entretien maintenance de l’enveloppe du bâtiment a de nouveau changé de mains en avril 2024, avec l’arrivée de la Compagnie Financière Jousset (CFJ) comme actionnaire majoritaire – en lieu et place d’OpenGate Capital, qui avait racheté la société en 2019 à Colas (groupe Bouygues) – aux côtés de l’équipe de direction. CFJ n’est autre que la holding d’investissement de Frédéric Jousset, le co-fondateur du champion européen de l’expérience client externalisée Webhelp qu’il a notamment fait grossir à coup d’acquisitions jusqu’à la cession à l’américain Concentrix en 2023. Avec ce nouveau partenaire, SMAC voit grand. Alors que le groupe a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 526 M€, il ambitionne en effet d’atteindre le seuil du milliard d’euros d’ici 2030. Or, sur ces près de 500 M€ de revenus additionnels, les deux tiers sont appelés à être générés par la croissance externe.
Un premier tournant
dans les années 1970
Dans ce domaine, SMAC est certes loin d’être un novice. En mettant la main sur la société Ferem en 1974, « le groupe avait doublé de taille à l’époque et consolidé ses parts de marché dans le secteur de l’étanchéité », rappelle Franck Davoine, son président. Entre 2008 et 2012, il avait également réalisé plusieurs acquisitions à l’international (Awazil en Arabie Saoudite, Sofima au Maroc, Reali au Chili et au Pérou), avant que la dégradation de la conjoncture et que ses difficultés financières ne le contraignent à geler sa politique de M&A. Lorsque Franck Davoine prend ses fonctions fin 2016, le redressement de SMAC s’impose dès lors comme la priorité n° 1 – avec en sus, bientôt, la vente à OpenGate Capital. Le redressement entrepris est un succès, si bien que l’entreprise repart en quête de cibles avant même que CJF ne prenne le relais du fonds américain. C’est dans ce cadre qu’elle boucle en janvier 2024, avec l’appui d’In Extenso Finance (IEF), le rachat de PCB (Penthièvre Couverture Bardage), une entreprise bretonne spécialisée dans les travaux de couverture, de bardage et de façade architecturale. « Dans l’activité historique du groupe, cette acquisition lui a permis de densifier son agence implantée en Bretagne », précise Bernard Cendrier, directeur associé au sein d’IEF.
Un directeur M&A recruté
Il n’empêche, le changement d’actionnariat de SMAC a d’emblée marqué un tournant. « En matière de M&A, notre approche était jusqu’alors opportuniste, consistant le plus souvent à attendre que des cibles se proposent à nous, témoigne Franck Davoine. Compte tenu de nos nouvelles ambitions dans ce domaine, nous avons toutefois décidé, en accord avec Frédéric Jousset, de la restructurer à des fins de gagner en efficacité et d’être plus proactifs ». En plus d’avoir recruté un directeur M&A en mars dernier, SMAC a ainsi renforcé sa collaboration avec IEF, avec qui les interactions sont permanentes. « Afin de pouvoir mener un nombre important d’acquisitions dans des délais rapides, il est essentiel d’industrialiser le process en place », insiste Bernard Cendrier. Et le professionnel de détailler l’organisation mise en place. « Tous les quinze jours, nous organisons une réunion de près de deux heures, à laquelle assistent les membres du Codir de SMAC ainsi que trois personnes d’IEF. Ces rendez-vous sont l’occasion de faire un point sur l’état d’avancement des discussions avec certaines cibles et d’évoquer de nouveaux noms ». Des fiches sont produites, mentionnant l’actionnariat, le management, l’activité de l’entreprise, la typologie de clientèle, le nombre de salariés, les principaux indicateurs financiers, la part du capital à céder, etc. Ce « status report » intègre aujourd’hui une cinquantaine de cibles.
Une trésorerie conséquente
Certaines d’entre elles pourraient faire l’objet d’une offre formelle dans les prochaines semaines, et d’autres sur un horizon plus lointain. « En approchant des dirigeants-actionnaires qui n’avaient pas encore pensé à la cession, nous les amenons à initier la réflexion, ce qui nous permet d’alimenter
notre pipe de cibles potentielles sur le
moyen-long terme », explique Franck Davoine. Évoluant sur un marché très fragmenté, l’ETI leader sur son marché projette de monter très rapidement en puissance, avec la réalisation de 5 à 6 acquisitions par an. Il faut dire que les perspectives sont porteuses, tout particulièrement sur le segment de la rénovation énergétique des bâtiments, et qu’elle a les moyens de ses ambitions. « Forte du redressement opéré au cours de la décennie écoulée, SMAC dispose aujourd’hui d’une trésorerie conséquente », prévient son président.
Arnaud Lefebvre
Un travail sur la marque employeur
Dans le cadre de son plan de développement, SMAC a prévu d’embaucher 1500 collaborateurs en l’espace de cinq ans. Afin de tenir cet objectif, l’ETI a beaucoup travaillé sur sa « marque employeur » au cours des derniers mois. « Initiative rare dans le secteur du bâtiment, nous avons notamment décidé de mettre en place, dans une logique de meilleur partage de la valeur chère à SMAC, un accord d’intéressement en sus de la participation, explique Franck Davoine. Ces deux mécanismes permettent ainsi à nos collaborateurs de percevoir, en moyenne, plus d’un mois de salaire ». Dans le but de mettre en avant les valeurs de l’entreprise, un film de quelques minutes a également été produit… dont l’utilité dépasse le cadre du seul recrutement. « Je montre systématiquement cette vidéo aux dirigeants d’entreprise que nous approchons en vue d’un rachat. Alors que ces derniers peuvent redouter d’intégrer un groupe de taille sensiblement plus grande, le fait de constater l’esprit d’équipe et de bienveillance qui règne au sein de SMAC tend à les rassurer », ajoute Franck Davoine.