Fondée il y a tout juste un siècle et demi, Serfim affiche une courbe de croissance et des ambitions qui ne disent pas son âge. Spécialisée dans l’aménagement des territoires (travaux publics, environnement et énergies renouvelables, technologies de l’information et de la communication, industrie, immobilier), cette ETI rhodanienne ne cesse en effet d’enchaîner les projets d’envergure et les innovations. Ces derniers mois, elle a par exemple finalisé le déploiement de la plus grande centrale photovoltaïque installée dans la Creuse, inauguré sa première station de recharge électrique à Vénissieux ou encore créé une zone de réemploi de produits et de matériaux issus de la construction et du bâtiment à Lyon. Une dynamique qui, à en croire ses équipes, n’est pas près de s’essouffler.
Une réflexion initiée aux 50 ans du dirigeant
En cela, sa présidente-directrice générale Alexandra Mathiolon
est bien la fille de son père, auquel elle a succédé en janvier 2023. Ce dernier, Guy Mathiolon, rejoint au début des années 1980 la société Serpollet – qui intégrera ensuite la holding Serfim, constituée en 1987 –, afin d’épauler le dirigeant en poste. À l’époque, l’entité dégage environ 7 millions d’euros de chiffre d’affaires et compte près de 300 collaborateurs. Devenu dans la foulée actionnaire (voir encadré) et numéro un de Serpollet, puis président de Serfim, Guy Mathiolon engage alors une transformation profonde de l’entreprise. Sous l’effet de la politique de diversification de clientèles et de métiers d’une part, et de la stratégie de montée en gamme d’autre part, Serfim a depuis vu ses ventes être multipliées par près de cent, et ses effectifs par presque dix ! « Une réussite assez incroyable sur un plan économique et, surtout, une formidable histoire humaine », résume l’entrepreneur, désormais président du conseil de surveillance.
Un signal positif envoyé aux équipes
Alors que Serfim se développe à la vitesse grand V, l’année 2004 marque un tournant sur le front de la gouvernance. « Atteignant le cap des 50 ans, c’est à ce moment-là que j’ai commencé à réfléchir à la transmission de l’entreprise », poursuit Guy Mathiolon. Celui-ci a deux options en tête : passer le témoin soit à l’une de ses trois filles, « sans toutefois leur imposer quoi que ce soit », soit à l’équipe de management. Tout s’accélère véritablement dix ans plus part. Diplômée de l’École des Mines de Saint-Étienne, Alexandra Mathiolon, qui travaille alors au sein du cabinet de consulting McKinsey, a manifesté son désir de prendre le relais de son père. Parallèlement, le directeur général en fonction quitte le groupe et Guy Mathiolon choisit de ne pas le remplacer. Une décision motivée par la volonté de préparer le terrain pour son futur successeur.
Très engagée sur les problématiques environnementales et de transition, l’actuelle PDG entre chez Serfim en 2018, en tant que directrice générale adjointe de la branche Serfim Energie. En plus de faire bondir l’activité de celle-ci en Île-de-France, elle pilote plusieurs acquisitions et lance Serfim ENR. Après ces débuts réussis, elle est promue en janvier 2020 directrice générale du groupe à l’âge de 30 ans, et le calendrier est officialisé : le passage de témoin avec son père aura lieu trois ans plus tard. L’annonce rassure en interne. « Compte tenu de son âge, Alexandra non seulement permet de valoriser la marque employeur, mais elle offre aussi aux salariés des perspectives sur le long terme. J’avais d’ailleurs indiqué aux salariés qu’ils seront en retraite avant elle ! », raconte, amusé, Guy Mathiolon.
Un coach mandaté
De l’aveu de l’intéressé, la transmission a été un succès. Un constat qui ne doit cependant rien au hasard. « La plus belle des réussites a été que la famille s’entende encore mieux après la transmission. Mais nous avons beaucoup travaillé pour obtenir ce résultat ». Concrètement, un cabinet a accompagné les membres de la famille, dans le cadre de sessions individuelles et collectives, afin de définir le meilleur schéma de gouvernance possible – un schéma « dans lequel chacun a un rôle à jouer » – et des règles strictes, comme le fait de ne jamais aborder la sphère professionnelle durant les événements familiaux. Pour traverser sereinement et efficacement les trois ans de cohabitation, puis l’après, le tandem a parallèlement choisi de s’allouer les services d’un coach. « Son apport s’est révélé fondamental », insiste Guy Mathiolon, qui considère rétrospectivement que ce processus de transmission, « passionnant à organiser, a coïncidé avec la plus belle période de ma carrière ».
Mise en place d’un conseil de surveillance
Conformément à ce qu’il était initialement prévu, Alexandra Mathiolon devient PDG de Serfim en janvier 2023. À cette occasion, près d’une centaine de managers du groupe entrent au capital, à hauteur de 25 % – le reste se partageant entre Guy Mathiolon, ses trois filles et ses petits-enfants. Ce ne sera pas l’unique changement en matière de gouvernance. Jusqu’alors, les choix stratégiques reposaient essentiellement sur le comité de direction, et donc sur Guy Mathiolon. « J’étais une sorte d’autocrate », ironise-t-il. Un conseil de surveillance est ainsi mis en place, dont ce dernier prend la présidence et où ses deux autres enfants siègent, aux côtés de trois personnalités indépendantes. Serfim s’est également dotée
d’une raison d’être (« contribuer à améliorer la qualité de vie des habitants en aménageant des territoires durables et respectueux du vivant ») et a renforcé son positionnement/engagement ESG. Au niveau actionnarial, des réflexions sont en cours en vue notamment d’accroître la présence des salariés. Quant à Guy Mathiolon, il se donne encore quelques années avant de décrocher définitivement. « En termes d’occupation, les idées ne manquent pas ! », lance-t-il.
