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Trois ans de répit pour restructurer son PGE

Après deux années blanches sans remboursement, le poids des échéances des prêts garantis par l’État peut peser de manière écrasante sur des trésoreries déjà exsangues. Outre l’allongement de la durée de remboursement reconduite pour trois ans, les pistes de restructuration plus radicales existent, à manier avec prudence et parcimonie.

Dans un contexte de « permacrise » qui a vu le taux de défaillances flamber fin 2023, l’allongement de la durée du remboursement des PGE offre un peu de répit aux entreprises qui ont bénéficié du dispositif en pleine crise sanitaire et qui peinent à faire face à leurs échéances. Le 6 janvier, Bercy annonçait la prolongation pour trois ans de l’accord sur les restructurations des prêts garantis par l’État signé avec la Banque de France et la Fédération bancaire française. Depuis le premier confinement de mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2023, 144 Mds€ de prêts ont été octroyés à 686 000 entreprises, dont une majorité de TPE. Sur chacun de ces prêts, l’État est dans la plupart des cas garant de 90 % du montant, le reste étant supporté par la banque commerciale de l’entreprise. Ces crédits sont accordés pour une durée de six ans maximum, avec deux années blanches en termes de remboursement. « Dans leur grande majorité, les entreprises ont fait face en 2022 et 2023 au remboursement de leur PGE sans difficulté : d’ores et déjà plus de 50 milliards de crédits ont été intégralement remboursés », se félicitait Bercy dans le communiqué de prolongation de l’accord de place sur les restructurations des PGE le 7 janvier. 

« Une dette normale »

L’annonce de Bruno Le Maire intervient deux jours seulement après que la Banque de France a publié des statistiques de défaut des entreprises en croissance de 34 % en 2023. Idem pour l’étude de référence sur les défaillances Altares qui définit le quatrième trimestre 2023 comme un des pires depuis trente ans. « Après une phase de rattrapage d’une partie des entreprises tenues à flot grâce aux mesures d’accompagnement mises en place depuis la crise Covid, nous amorçons désormais une nouvelle phase, plus structurelle, davantage liée aux insuffisances financières des entreprises qui doivent naviguer dans un environnement économique extraordinairement tendu », commentait Thierry Millon, directeur des études de la société Altares, à la publication du rapport le 18 janvier. Des chiffres alarmants mais qui ne se sont pas encore véritablement reflétés dans la sinistralité des prêts garantis par l’État. « Un peu plus de la moitié des encours de PGE ont été remboursés, ce qui ne dévie pas de la trajectoire prévue initialement lors de la mise en place de ce dispositif exceptionnel en pleine crise sanitaire », retrace Fabrice Jamard, directeur de la gestion des garanties chez Bpifrance, qui insiste sur le fait que malgré les conditions particulières de son octroi et son coût attractif, « le PGE est une dette normale, traitée comme toutes les créances chirographaires de l’entreprise ». 

Un rééchelonnement souple

De fait, l’État a préféré se prémunir contre l’explosion du taux de sinistralité en étalant jusqu’en 2026 la possibilité de renégocier ces prêts à l’amiable. Une mesure déjà existante, mais qui n’a été actionnée que par 560 entreprises à l’heure actuelle, sur les quelque 686 000 bénéficiaires de PGE. Ces PME ont pu repousser leur échéance de remboursement de deux à quatre ans de plus, en parallèle du réaménagement d’autres financements bancaires. Car en principe, le remboursement des PGE s’effectue sur 6 ans maximum, soit 5 ans après 1 an de différé, ou 4 ans après 2 ans de différé. La négociation directe avec les banques est à exclure puisque la garantie de l’État cesse si les banques s’aventurent à octroyer un rééchelonnement plus long. D’où le dispositif ad hoc pour les petits PGE d’un montant maximum de 50 000 €. Cette procédure simplifiée, conduite sous l’égide de la médiation du crédit, permet aux petites et moyennes entreprises de repousser la date de remboursement de leurs prêts garantis de façon « rapide, gratuite, confidentielle », et surtout, « à l’amiable », dans un cadre non judiciaire. « Dans le cadre d’une restructuration de gré
à gré, la seule contrainte est de ne pas repousser
le remboursement au-delà de six ans
, rappelle Elodie de Azevedo, responsable du service indemnisation des PGE,
à la direction de la garantie chez Bpifrance. À l’intérieur de cette limite temporelle, l’entreprise, en accord avec sa banque, dispose d’une totale liberté de réaménager son PGE : elle peut en repousser l’intégralité in fine, en geler le remboursement pendant deux ans ou adapter les mensualités en fonction de ses projections de trésorerie. » 

Restructuration plus radicale

Encore faut-il que le current trading dans un environnement dégradé permette de faire face à ces échéances mêmes allongées. Pour rembourser un PGE qui pèse 25 % du chiffre d’affaires sur quatre ans, il faudrait que l’entreprise dégage théoriquement a minima 6,25 % d’Ebitda par an pour ne traiter que le remboursement de son PGE, indépendamment du financement de ses capex et de son BFR et du remboursement de ses autres emprunts. 

Au-delà du différé supplémentaire, une restructuration plus radicale de ces prêts est possible mais doit se faire au cas par cas, soit sous la supervision de la médiation du crédit pour les PGE de moins de 50 000 €, soit dans le cadre de procédures amiables, et le cas échéant sous la supervision du CIRI pour les PGE plus importants. « Le hic, c’est que si on obtient un allongement du PGE au-delà des six ans autorisés, la créance est automatiquement classée en "Non Performing Loan", ce qui aura pour conséquence de dégrader la notation Banque de France de l’entreprise, et par effet boule de neige la décoter chez les assureurs-crédit, et la priver de son crédit fournisseur », prévient un administrateur judiciaire. Exit donc les restructurations de confort ou d’agrément… « Il n’y a rien de choquant à ce que la qualité de signature d’une entreprise soit dégradée quand elle est dans l’impossibilité de rembourser son PGE », défendait Pierre-Olivier Chotard, secrétaire général du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) lors d’une table ronde organisée sur le sujet par le cabinet de management de transition Delville. Parce que les plus gros dossiers de restructuration de PGE sont conduits sous son égide, le CIRI a un rôle d’élaboration d’une doctrine de restructuration des PGE qu’il se fait fort de diffuser auprès des acteurs de place. Cette doctrine s’articule autour des principes directeurs suivants énumérés dans son dernier rapport publié cet été : « Une restructuration de PGE doit se faire dans le cadre d’un traitement global du passif de l’entreprise, qui s’opère à l’appui d’un diagnostic faisant état des difficultés rencontrées par le débiteur ; une restructuration de PGE ne saurait être conduite aux seules fins d’assurer un confort financier à l’entreprise (ces principes sont repris dans l’accord de place relatif à la médiation du crédit) ; et enfin, les PGE doivent être traités pari passu avec les autres créances de même rang, c’est-à-dire de manière équitable avec les autres créances chirographaires. » Par ailleurs, dans les restructurations de PGE comportant une part d’écrasement nécessaire au regard du bilan de l’entreprise, ces dernières doivent, autant que possible, s’accompagner de mécanismes de retour à meilleure fortune (RMF) permettant à l’État de bénéficier dans le futur, comme les autres créanciers de même rang et avant l’actionnaire, du partage de la valeur en cas de retournement de l’entreprise. À titre exceptionnel, des mécanismes plus complexes (notamment conversion en actions) peuvent être mis en place mais leur complexité les destine à n’être utilisés que marginalement. À date, un tel mécanisme, par lequel les banques demeurent détentrices des titres, n’a été mobilisé que dans un seul cas, la fameuse restructuration de Pierre & Vacances.

 

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