et le private equity offrant des solutions de financement flexibles connaissent
un essor considérable. Associé au sein du département private capital
de White & Case à Paris, Hugues Racovski revient sur cette tendance
et ses enjeux, notamment en termes de gouvernance.
Corollaire d’un accès au financement conventionnel plus complexe, le recours aux instruments de financement dits « hybrides » s’est fortement développé ces dernières années. De quoi parle-t-on ?
Les instruments hybrides combinent des caractéristiques de la dette et des fonds propres, promettant ainsi le meilleur de ces deux mondes. Ils peuvent prendre la forme d’obligations convertibles en actions, qui présentent l’avantage pour les actionnaires du débiteur de ne pas être dilutives à leur émission, tout en assurant à l’investisseur une exposition à la performance future de l’entreprise. Il peut également s’agir d’instruments « equity », c’est-à-dire qualifiés juridiquement et comptablement de titres de capital, permettant ainsi d’optimiser le ratio d’endettement, à l’instar des actions de préférence dites « ADP taux ».
D’autres instruments plus spécifiques peuvent conférer des droits politiques permettant d’influer sur la gouvernance, soit ab initio – via un droit de veto sur certaines décisions stratégiques s’exprimant par le biais d’un siège au conseil d’administration –, soit en cas de réalisation d’événements futurs (step-in rights). On parle ici de « golden share », dont l’usage est de plus en plus fréquent, y compris dans les restructurations de dette.
Dans quel contexte ces instruments hybrides sont-ils le plus souvent utilisés ?
Les instruments hybrides répondent à un besoin de flexibilité côté société et à la recherche d’un rapport rendement/risque attractif côté investisseur, de sorte qu’ils peuvent être pertinents dans un large spectre d’opérations.
On les retrouve dans plusieurs typologies de dossiers : d’abord, au soutien d’une stratégie de croissance externe dont les contours ne répondent pas aux prérequis de la dette privée conventionnelle. Ensuite, lors d’opérations de LBO, en promettant un financement non dilutif à des entrepreneurs souhaitant éviter de perdre le contrôle. Enfin, dans des situations dites « spéciales », parfois distressed, dans lesquelles les instruments hybrides peuvent être utilisés pour refinancer la dette existante tout en offrant une protection accrue à l’investisseur. Cette flexibilité permet également de proposer des solutions privées aux sociétés cotées en difficulté, signe de la convergence entre public et privé.
Sophistiqués et structurés par nature, les instruments hybrides nécessitent une ingénierie complexe qui ne convient pas à toutes les situations. Parce qu’elle permet une grande liberté, cette « boîte à outils » doit être maniée avec technique et discernement. Ici, pas de benchmark utile, ni de produit « off the shelf ». Chaque dossier est différent, et requiert des négociations spécifiques.
De nombreuses opérations récentes et d’importantes restructurations financières ont conduit à la mise en place de tels instruments. Faut-il y voir une nouvelle pratique de place ?
Cette pratique n’est pas nouvelle, mais devrait en effet continuer de se développer. Les conditions de marché actuelles rendent les solutions hybrides particulièrement pertinentes pour des entreprises qui, parfois financées par le private equity, doivent restructurer leur bilan dans un contexte défavorable.
Par ailleurs, certains acteurs se spécialisent, faisant des deals hybrides le cœur de leur stratégie, construite autour d’investissements opportunistes et/ou contracycliques, non couverts par les fonds de dette privée ou de capital-investissement conventionnels.
On observe enfin une tendance chez les fonds de PE à se tourner vers la dette privée, tout en conservant leur ADN d’investisseurs en equity, passant d’une stratégie de contrôle à une stratégie de partenariat. Grâce à leurs compétences intrinsèques et aux opportunités du marché, le volume de capital hybride déployé dans le cadre de cette transition va mécaniquement augmenter.
