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Les grandes leçons des assemblées générales de 2025

Alors que la saison 2025 des assemblées générales des groupes du CAC 40 est sur le point de se terminer, Armand Grumberg, associé et François Barrière, French counsel, du cabinet Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom LLP, en tirent les principales leçons. Entretien avec Armand Grumberg, associé et François Barrière, French counsel, du cabinet Skadden, Arps, Slate, Meagher &
Flom LLP, professeur de droit à l’université Lyon 2

Quels ont été les principaux points d’attention des assemblées générales 2025 des sociétés du CAC 40 ?

Ces derniers mois ont été pour le moins agités aussi bien sur le plan géopolitique, que commercial et financier. La nervosité est palpable à tous les niveaux et dans toutes les sphères des affaires. La situation est en effet quasi-inédite, incroyablement complexe.

Les assemblées générales de 2025 n’ont pourtant pas été trop agitées. Les actionnaires ont posé de nombreuses questions pour comprendre la stratégie des entreprises à raison d’une situation anormalement complexe. Mais cela semble logique et c’est justement l’objectif de l’assemblée générale. Ce temps est indispensable pour rassurer et expliquer.

On a vu quelques patrons prendre la parole en assemblée générale pour livrer leurs réflexions personnelles sur le contexte économique actuel. La parole est-elle en train de se libérer chez les grands dirigeants du CAC 40 ?

Nous pensons qu’il s’agit plutôt de la conséquence de ce contexte exceptionnel. Les mandataires sociaux doivent expliquer à leurs actionnaires comment leur groupe réagit à cette situation particulière. Les directeurs généraux prennent la parole pour expliquer les conséquences potentielles ou immédiates sur leur business de la guerre en Ukraine, ou encore des nouveaux droits de douane.

Les enjeux sont si importants que certains ont expliqué, de façon pédagogique, comment leurs groupes pouvaient parvenir à naviguer dans cet environnement et les modalités pour renforcer, voire parfois sauvegarder, leur activité.

Il ne faut pas en conclure que la parole s’écarte des affaires de l’entreprise pour autant. Aux États-Unis par exemple, la prise de parole du CEO reste très cadrée. En règle générale, les actionnaires n’y apprécient pas que le dirigeant prenne position publiquement sur des sujets politiques. En France, en principe, les dirigeants sociaux ne pratiquent pas non plus le mélange des genres.

Quelles leçons tirer
des AG américaines, notamment sur les résolutions climatiques ? Pensez-vous que l’Europe va vers la fin du say on climate ?

Les dernières années, le say on climate avait été l’un des principaux points d’attention des assemblées générales en France. Ce n’était pas le cas pour la saison 2025. Sauf erreur de notre part, il n’y a pas eu de référé déposé par des activistes, contrairement aux années passées. C’est d’autant plus frappant depuis la promulgation de la loi n° 2024‑537 du 13 juin 2024 qui a introduit, par son article 19, une nouvelle disposition : désormais, les actionnaires des sociétés anonymes disposent du droit de contester le refus d’inscription d’un point ou d’un projet de résolution à l’ordre du jour des assemblées générales selon la procédure accélérée au fond et dans les conditions de l’article 481‑1 CPC, disposition qui a complété l’article L. 225‑105 du code de commerce. Cette nouvelle procédure permet ainsi d’éviter le juge des référés qui, de manière logique, donnait très peu suite à ce type de demande, du fait des contestations sérieuses qui s’y opposaient. C’est ce qu’il s’était passé, en 2024, par exemple en lien avec l’assemblée générale de TotalEnergies où un référé avait été déposé par une coalition d’actionnaires pour demander l’inscription d’une résolution consultative visant à mettre fin au cumul des fonctions de président et de directeur général de l’entreprise, lequel avait été rejeté par le tribunal de Nanterre. Le recours au juge des référés, souvent qualifié de juge de l’évidence, se révèle inadapté lorsque des contestations portent sur le refus d’inscription de points ou de projets de résolutions à l’ordre du jour des assemblées générales, qui peuvent porter atteinte à la nature institutionnelle de la société et à la répartition des pouvoirs entre organes sociaux. En tout état de cause, le code AFEP-MEDEF recommandant dorénavant aux sociétés cotées de présenter au vote de leurs actionnaires une résolution dédiée à la stratégie climatique tous les trois ans, le sujet semble préempté en théorie.

Dans un marché volatil, il est certain que les activistes ont préféré se concentrer quasi-exclusivement sur le retour sur leurs investissements. L’impact qu’aura la guerre commerciale sur les programmes de rachats d’actions et les politiques de dividendes a plus d’intérêt pour eux que la stratégie ESG. Leurs priorités ont changé. De fait, ils ont été plutôt moins vindicatifs cette année en France.

Face à l’imbroglio européen
sur les déclarations extra-financières,
comment ont réagi les groupes
du CAC 40 ?

Les groupes du CAC 40 n’ont pas été impactés par la directive stop the clock, ni par la loi du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (dite loi DADDUE), lesquels n’ont pas prévu de décalage dans le temps de ces obligations de reporting. Ils ont donc inséré dans leur rapport de gestion toutes les informations demandées par les diverses normes européennes. Il n’y a pas eu de réelles difficultés pour les sociétés cotées de répondre à cette obligation réglementaire ; elles l’ont vécu de manière assez sereine.

On pourrait même penser que ce sont ces informations extra-financières détaillées qui réduisent l’intérêt de résolutions sur le climat, car ces informations permettent de comprendre les incidences de l’activité de la société sur les enjeux de durabilité, ainsi que la manière dont ces enjeux influent sur l’évolution de ses affaires, de ses résultats et de sa situation. Un récent projet de règlement européen prévoit cependant de retarder l’entrée en vigueur de la prochaine salve d’obligations de reporting extra-financier pour les sociétés cotées, afin de limiter l’alourdissement des informations
à donner pour 2026.

Certains groupes ont obtenu l’aval des actionnaires pour repousser l’âge limite du DG ou du PDG. Cette stratégie de pérennisation de la gouvernance est-elle souhaitable ? Est-elle susceptible de mettre en risque l’entreprise ?

Il n’y a eu que deux cas en 2025. LVMH et BNP Paribas. Et nous ne pensons pas qu’il faut en tirer une réponse générale car ces deux cas sont bien particuliers. Un seul point commun entre eux : ce sont des dirigeants exceptionnels qui emportent l’admiration au sein de leurs groupes respectifs qui surperforment. Il faut rester pragmatique.

S’agissant de la dissociation
des fonctions de PDG, nombreux
sont les groupes du CAC 40 à avoir passé
cette étape. Quelle leçon tirez-vous de ces scissions ?

La dissociation entre les fonctions de président et de directeur général est entrée dans les mœurs et fonctionne désormais bien en France. Même s’il y a un certain jeu de pouvoir entre président et son directeur général, il est stimulant pour les deux côtés, le tout dans l’intérêt social des groupes, permettant d’offrir une meilleure gouvernance. Ces derniers sont encadrés par les membres du conseil d’administration, qui sont sélectionnés et nommés avec attention pour leurs compétences et leurs expériences. Force est de constater que les conseils d’administration se sont formidablement professionnalisés. Les discussions sont riches, les sujets extrêmement débattus. La gouvernance des groupes du CAC 40 est bien plus efficace aujourd’hui qu’elle ne l’a été dans le passé.

Un retour en arrière nous paraît peu probable, car ce schéma permet un bien meilleur contrôle sur le groupe et une prise de décision davantage collective, tant en matière de stratégie que sur les projets de croissance.

 

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