Acteur de premier plan sur le marché international du private equity, H.I.G. Capital a récemment bouclé le rachat de la chaîne de restauration rapide Quick en France. Accompagné par les équipes de Winston & Strawn, le dirigeant du bureau français de la société de gestion juge le rôle du cabinet déterminant dans le dénouement positif de cette transaction.
ENTRETIEN CROISÉ entre Olivier Boyadjian, président de H.I.G. France à Paris, et Nicola Di Giovanni, associé au sein du département corporate du bureau parisien de Winston & Strawn et responsable de la pratique de private equity
Pouvez-vous nous présenter H.I.G. Capital ?
Olivier Boyadjian : H.I.G. Capital est une société de gestion, présente sur trois zones géographiques : l’Amérique du Nord, son marché historique, l’Amérique du Sud, et l’Europe. Nos actifs sous gestion avoisinent les 50 mds$, répartis de façon quasi égale entre le private equity et la dette. L’une des spécificités de notre organisation réside dans le fait qu’elle s’appuie principalement sur un réseau d’équipes locales dans les différents pays où elle opère. En Europe, nous investissons principalement dans des opérations dont l’apport en fonds propres se situe entre 20 et 80 M€ pour le fonds « LBO » et entre 80 et 200 M€ pour le fonds « middle market ». Au-delà de cet apport de liquidités, notre ambition est d’accompagner, le plus souvent en tant qu’actionnaire majoritaire, les équipes dirigeantes dans le développement de leur société, notamment sur un plan international.
Nicola Di Giovanni : Depuis une dizaine d’années, j’interviens avec mon équipe aux côtés de H.I.G dans leurs nombreuses opérations de LBO à dimension internationale. La pérennité de notre relation et le nombre important d’opérations réalisées ensemble nous ont permis de créer une relation de confiance ainsi que de développer une connaissance accrue des exigences et des attentes de H.I.G dans leurs opérations de LBO. Et ce, notamment compte tenu de la transition historique de H.I.G. d’une stratégie d’intervention sur des opérations à caractère spécial, à une stratégie d’opérations de private equity traditionnelles.
Olivier Boyadjian : En effet, nous sommes aujourd’hui un acteur que je qualifierai de classique du private equity avec notamment pour spécificité un savoir-faire inégalé sur les opérations dites de carve-out. Le rachat l’été dernier de la chaîne de restauration rapide Quick par H.I.G. Capital auprès du Groupe Bertrand en est la parfaite illustration.
Olivier Boyadjian : Tout à fait. Après le rachat de Quick par le Groupe Bertrand qui était alors master franchisé de Burger King, la société était devenue au fil des années ce que nous pourrions qualifier de belle endormie. Si une partie importante du réseau de restaurants avait déjà été transformée en Burger King, 107 restaurants devaient soit suivre la même voie, soit être vendus. Groupe Bertrand et son partenaire Bridgepoint ont finalement opté pour la seconde solution.
Comment s’était déroulé le processus de cession ?
Nicola Di Giovanni : Conduit par Lazard, celui-ci a été très concurrentiel puisque nous comprenons qu’une vingtaine de candidats avaient été interrogés. Il faut dire que Quick reste une marque forte et connue, ce qui a exacerbé l’appétit d’industriels et de nombreux fonds. Ces derniers étaient d’autant plus intéressés qu’il s’agissait d’une transaction de taille upper mid-cap, comme il y en a peu sur le marché français. Dans son déroulé, le processus de cession a été relativement complet et présentait, comme c’est le cas dans la plupart des opérations de LBO, des problématiques opérationnelles complexes, alliées à une structuration juridique et fiscale élaborée, un financement d’acquisition d’un montant significatif ainsi qu’un management package à mettre en place et un exercice de due diligence très poussé à mener. Tout cela ayant été réalisé en pleine crise sanitaire et dans un calendrier contraint et compétitif, en raison du souhait du vendeur de signer le dossier avant l’été. Le profil de la cible ainsi que la nature de ses actifs et l’environnement du dossier ont nécessité l’intervention d’une vingtaine d’avocats de Winston & Strawn aux différentes spécialités de manière à traiter les nombreux sujets en matière règlementaire, juridique, fiscale, sociale, immobilière, IP/IT et antitrust. À cela s’ajoute le volet étranger de ce dossier que nous avons dû gérer, notamment s’agissant du droit belge.
Olivier Boyadjian : Cette capacité à mobiliser autant de compétences dans des délais extrêmement courts a été décisive. Si nous avons remporté le dossier Quick, c’est, au-delà du prix offert par H.I.G. Capital et de la qualité intrinsèque de notre projet, parce que nous sommes allés plus vite que les autres !
Outre la réactivité et la pluridisciplinarité, quelles qualités recherchez-vous aujourd’hui chez un avocat ?
Olivier Boyadjian : Pouvoir nous appuyer sur des cabinets qui disposent d’équipes multi-dimensionnelles (corporate, fiscalité, management package, IT…) constitue, il est vrai, un prérequis. Mais cette condition ne suffit pas, loin s’en faut. En effet, je ne recherche pas seulement des techniciens, mais avant tout des partenaires business minded avec qui je peux avoir des interactions et qui savent précisément ce que l’on attend quand nous nous positionnons sur une opération. Nous veillons à entretenir une telle logique de partenariat et de proximité avec deux à trois cabinets, de manière à ne pas instaurer de lien de dépendance vis-à-vis de l’un d’entre eux.
Nicola Di Giovanni : La connaissance et confiance mutuelle entre l’avocat et son client fonds d’investissement sont effectivement clés, surtout dans un environnement où la concurrence est de plus en plus rude et au sein duquel les délais pour réaliser une opération sont de plus en plus contraints. Dans la mesure où le marché international du private equity est composé d’une addition de microcosmes locaux, il importe également de bien connaître les pratiques en vigueur dans chaque pays, d’où la pertinence du modèle choisi par H.I.G. Capital. Dans ce cadre, nous offrons à nos clients du private equity une parfaite maitrise des techniques de LBO, un savoir-faire à jour des pratiques du marché ainsi qu’une très bonne connaissance des acteurs locaux.
Sous l’effet du fort regain d’inflation, du ralentissement économique ou encore de la hausse notable des taux d’intérêt, l’environnement s’est sensiblement dégradé au cours des derniers mois. Comment ce changement de conjoncture affecte-t-il l’activité du marché du private equity ?
Nicola Di Giovanni : Depuis quelques mois, nous observons parmi les acheteurs une volonté de prendre davantage de temps dans l’analyse des dossiers. Pour autant, les fonds d’investissement, pour ne citer qu’eux, disposent encore de liquidités abondantes. Ainsi, de mon point de vue, le marché restera animé, bien qu’il faille s’attendre à une vigilance accrue des acheteurs dans le choix de leurs cibles, notamment en ce qui concerne leur analyse et leur valorisation.
Olivier Boyadjian : Je partage cet avis. À compter de la rentrée, les transactions mettront sans doute plus de temps à se dénouer. À l’aune des incertitudes macroéconomiques et des tensions existantes sur les marchés de la dette, les cédants devront certainement préparer des dossiers de cession plus analytiques. Enfin il est probable qu’en fonction de la typologie des actifs mis en vente, certaines clauses spécifiques devenues inhabituelles revoient le jour : crédit vendeur, clause de complément de prix (earn-out), mise en place de garanties, etc. S’agissant des valorisations, je m’attends à ce qu’il y ait sinon une légère correction, du moins un accroissement de l’écart de multiples entre les actifs les plus prisés et les autres.
Allez-vous devenir plus sélectifs ?
Olivier Boyadjian : Chez H.I.G. Capital, nous l’avons toujours été, ce que nous permet notre diversification géographique. Malgré la détérioration de l’environnement macro-économique, il y aura toujours des opportunités que nous serons prêts à examiner. D’ailleurs, nous travaillons actuellement avec les équipes de Nicola sur deux dossiers, l’un dans l’industrie, l’autre dans le secteur des services. Si tout se passe comme prévu, nous devrions remettre une offre finale dans les prochaines semaines.
Interview Croisée