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Le M&A en temps de crise

Les incertitudes liées aux conséquences de la crise du Covid-19 ont modifié les pratiques classiques du M&A. Explications. Entretien avec Alexandre Menais, Executive vice president d’Atos.


Quelles sont les principales évolutions qui frappent les contrats d’acquisition dans ce contexte de crise ?


La situation que nous connaissons depuis plusieurs mois entraîne de nombreuses incertitudes sur la dynamique réelle des entreprises. Aussi, dans l’évaluation des actifs, il convient de faire preuve d’une grande prudence et d’être en mesure d’obtenir des éléments tangibles illustrant les potentiels impacts du Covid-19 sur les agrégats financiers des cibles. Pour obtenir ce confort, il s’agit de renforcer les audits sur les 9 derniers mois d’exercice des cibles tout en ayant une bonne vision, avec le management de l’entreprise, du plan d’affaires à venir (pipeline et pourcentage de réalisation). Une fois ces informations collectées, il convient d’en tirer les conséquences sur les multiples applicables à la transaction, mais aussi sur les clauses du contrat d’acquisition. On voit en effet réapparaître la MAC clause, mais aussi les mécanismes d’ajustements du prix, tout comme des dispositions permettant des différés de paiement conditionnés à la réalisation d’évènements futurs – notamment la réalisation du BP vendeur ‘synergisé’. Autre sujet important, les entreprises dans de nombreux pays ont bénéficié d’aides d’Etat (PGE en France ou PPP aux US), il convient d’être attentif à ces éléments dans l’appréciation de la définition du BFR ou de la dette des actifs.


Les acquéreurs sont devenus plus vigilants. Quelles sont les évolutions dans les négociations et dans les pratiques de marché ?


Dans les discussions avec les vendeurs, une société comme Atos (nous venons de faire 9 acquisitions en 10 mois) cherche à avoir le plus de visibilité possible sur la marche à court et long terme de l’entreprise, et nous faisons en sorte de réduire le risque de non-réalisation du plan d’affaires. Outre l’utilisation de mécanismes de protection du contrat d’acquisition, nous attachons aussi une grande importance à la conservation des talents des entreprises que nous acquérons. Dans l’environnement de la transformation digitale, ce paramètre humain est déterminant.


À cela s’ajoute la place désormais prépondérante des éléments extra-financiers. Cette tendance est majeure, notamment pour une société comme Atos, qui porte de nombreux engagements sociétaux autour de sa raison d’être. Au-delà des aspects de conformité, nous vérifions de nombreux critères de responsabilité sociale d’entreprise (RSE) complétés par notre devoir de vigilance.


Un dernier point : les mesures de contrôle des investissements étrangers se sont développées dans de nombreux systèmes juridiques à l’étranger, et tout comme les notifications aux autorités de concurrence, elles ne sont plus de simples formalités et doivent être prises en compte dans la réalisation des opérations tant en matière de timing qu’en remèdes qui peuvent être exigés.


Quelles opportunités en matière de M&A cette crise sanitaire créent elles ?


De nombreux actionnaires cherchent à sécuriser leurs investissements et observent que les multiples des transactions dans certains secteurs, comme par exemple la cybersécurité, ne bougent pas tellement. Aussi, ils peuvent être conduits à accepter plus facilement des offres dites ‘préemptives’. On constate aussi que les taux d’intérêt sont toujours bas, et donc les liquidités importantes, que les processus sont très compétitifs avec les fonds de private equity. Nous devons nous distinguer en étant capables de proposer des transactions simples, efficaces et certaines, avec un projet industriel cohérent et créateur de valeur, qui offre des perspectives de développement pour les dirigeants et les salariés des entreprises acquises.


Enfin, en ce qui concerne le cas particulier du marché américain, beaucoup de fondateurs d’entreprises ont bénéficié d’une fiscalité très favorable sous le mandat de Donald Trump. Ainsi, des situations qui semblaient bloquées ont pu s’accélérer. Ces fondateurs s’attendent, avec la nouvelle administration démocrate, à ce que ces conditions deviennent désormais moins favorables.


À l’avenir, nous savons que la situation des trésoreries de beaucoup d’entreprises va connaître des tensions. Des actifs côtés avec la crise ont perdu beaucoup de valeur en bourse ; il y aura donc des vulnérabilités pour de nombreux actifs. Il peut y avoir des opportunités favorisant la concentration sur certains marchés.


Par Lucy Letellier

Interview

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