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Biscuit International, le goût de la conquête

Le numéro un européen des biscuits sucrés à marque de distributeur a multiplié par 2,6 le périmètre de son activité en cinq ans pour atteindre les 500 millions d’euros de revenus, dont deux tiers hors de France. Pour son LBO tertiaire fin 2019, le fonds américain Platinum Equity l’a valorisé quelque 860 millions d’euros, soit cinq fois le prix payé par Qualium en 2014.


Après avoir alimenté l’appétit de plusieurs fonds anglo-saxons lors d’un process mené par Natixis Partners à l’automne 2019, Biscuit International a finalement été croqué par Platinum Equity en novembre dernier. Le fonds américain a emporté le morceau, devançant le britannique Cap Vest et le duo américain formé par Towerbrook Capital Partners et Bain Capital LLC, en alignant une valorisation de 860 millions d’euros, soit plus de 10 fois l’Ebitda du leader européen de biscuits en MDD. Ce LBO tertiaire a permis la sortie du majoritaire Qualium, entré au capital à la suite de LBO France en 2014 pour une valorisation de 174 millions d’euros et du minoritaire Crédit Mutuel Equity (ex-CM-CIC Investissement), qui avait injecté 25 millions d’euros au capital fin 2016. Issu de la fusion en 2016 du français Poult et du spécialiste hollandais de la gaufre Banketgroep, Biscuit International a mené des acquisitions au pas de charge ces derniers mois. Bien décidé à étendre son empreinte géographique, notamment en Europe centrale, du Sud ou du Nord, et à diversifier davantage son offre de produits, ce leader européen du biscuit sucré à marques de distributeurs (MDD) a signé trois build up en 18 mois, en réalisant l’acquisition de Northumbrian Fine Foods, un producteur britannique de biscuits sans gluten au printemps 2018, suivie de celle de l’espagnol Arluy en été. En juin 2019, il mettait la main sur une troisième cible néerlandaise, Aviateur, l’un des principaux fabricants et distributeurs de biscuits et gâteaux aux Pays-Bas, lui apportant les 105 millions d’euros de revenus manquants pour atteindre 500 millions d’euros de chiffre d’affaires qu’il s’était fixé pour objectif pour 2019. Il a ainsi multiplié par 2,6 le périmètre de son activité en cinq ans, passant de 190 millions d’euros de chiffre d’affaires pour environ 25 millions d’euros d’Ebitda en 2014 à plus de 500 millions d’euros de revenus, dont environ deux tiers hors de France, et un Ebitda de 84 millions d’euros.



Build-up transformant. Le succès retentissant de Biscuit International doit avoir un goût amer pour LBO France qui a tellement peiné à s’en délester après avoir justement tenté l’internationalisation de l’ex-Poult racheté en 2006 au belge Artal. Car il y a pile une décennie, le process de vente mené par le fonds français capotait notamment à cause du build-up polonais sur Dr Gerard juste avant sa mise sur le marché. N’ayant pas réussi à valoriser l’entité comme un ensemble intégré, LBO France a dû se résoudre à la vente séparée des deux actifs trois ans plus tard, Bridgepoint s’emparant en 2013 de l’industriel polonais et Qualium de la branche française en mars 2014. C’était donc un pari osé de la part de Qualium de soutenir deux ans plus tard le raid de Poult sur son homologue néerlandais Banketgroep, détenu depuis 2007 par Gilde. Poult passe alors de 180 millions d’euros à environ 300 millions de chiffre d’affaires, valorisant son homologue néerlandais entre 170 et 200 millions d’euros, soit autant, voire plus, que le prix déboursé par Qualium deux ans plus tôt. Ce build-up transformant coûtera toutefois sa place au jeune dirigeant de Poult Mehdi Berrada, nommé par Qualium en remplacement du CEO historique Carlos Verkaeren au printemps 2016, et qui fera les frais de la lutte de pouvoirs entre les camps français et néerlandais. Il sera remplacé en mars 2017 par Giampaolo Schiratti, un ingénieur disposant de 25 années d’expérience de management dans le secteur agro-alimentaire et d’un profil multiculturel à même d’apaiser les tensions chauvines.




> Giampaolo Schiratti, président de Biscuit International.

Machine à intégrer. Après l’intégration loupée du polonais Dr Gerard, et la fusion entre égaux aux débuts compliqués avec le néerlandais Banketgroep, la machine à intégrer est désormais bien rodée. « Notre modèle est à la fois basé sur le maintien de l’autonomie des filiales et sur la mise en place immédiate de synergies dans les achats en faisant bénéficier nos acquisitions de l’expertise pointue de nos acheteurs spécialisés en matières premières, explique Giampaolo Schiratti, président de Biscuit International. En plus de l’optimisation des coûts dans les achats, les sociétés rachetées démultiplient leur force de frappe commerciale en intégrant dans leur portefeuille toutes les marques du groupe. » Au niveau central, l’équipe réduite constituée du DG, du directeur financier et du directeur marketing orchestre la stratégie globale sans s’immiscer dans la vie quotidienne des filiales. Giampaolo Schiratti, qui assumait jusqu’en mars 2019 le double rôle de Président de Biscuit International et de Directeur Général de Poult, a d’ailleurs décidé de se consacrer principalement à son rôle global afin de poursuivre l’intégration des sociétés qui composent Biscuit International et d’accélérer les développements commerciaux et industriels du groupe. Car l’appétit d’acquisitions du leader européen, devant le français Bouvard et ses 300 millions d’euros de chiffre d’affaires, est loin d’être rassasié sur un secteur encore très atomisé qui pèse quelque 7 milliards d’euros pour le segment des biscuits MDD, soit un tiers du marché global de biscuits. « Cette consolidation a du sens car nos clients deviennent européens et recherchent des solutions de one-stop-shopping », relève Giampaolo Schiratti. Une internationalisation devenue aussi inéluctable pour suivre la tendance imprimée par les grandes marques de biscuits (Lu, Granola et Milka notamment) qui ont homogénéisé les modes de consommation sur le Vieux continent avec deux tiers des produits commercialisés que l’on retrouve à l’identique partout en Europe. Pour autant, si les produits se standardisent, des spécificités culturelles subsistent. « Un tiers du marché est local, et les moments de consommation du biscuit diffèrent selon les pays : les Français sont plutôt des adeptes des gâteaux de petit-déjeuner, tandis que les Espagnols préfèrent déguster leurs biscuits au moment du goûter et les Britanniques les consomment en mode snacking à toute heure de la journée », détaille le président de Biscuit International. Avec une gamme suffisamment large pour devenir incontournable auprès des distributeurs, Biscuit International s’est attelé à détenir des parts de marché importantes sur ses segments de prédilection pour maintenir un équilibre dans les négociations avec les redoutables acheteurs de la grande distri. D’ailleurs, l’industriel s’est positionné récemment sur le co-manufacturing, plus générateur de marges, pour des marques comme Michel et Augustin, activité qui pèse aujourd’hui 5 % de ses revenus. Surfant sur les quatre grandes tendances parfois contradictoires de la demande des consommateurs que sont le plaisir, la nutrition, le naturel et le « portionnable », le groupe commercialise une vaste gamme de produits avec un portefeuille de plus en plus large de produits bio, sans sucre, sans gluten, ou sans lactose. « Biscuit International dispose d’un portefeuille exceptionnel et d’une réputation méritée pour la qualité de ses produits », a commenté Louis Samson, associé chez Platinum Equity lors de la prise de contrôle du groupe, affichant son soutien au « projet de l’entreprise qui consiste à continuer d’étendre son offre et sa présence à l’international, à la fois de façon organique et par des acquisitions complémentaires ». Pour le moment, le terrain de jeu de l’ancien toulousain reste cantonné aux frontières européennes mais son adossement à un actionnaire américain pourrait lui ouvrir l’appétit vers d’autres ailleurs plus croustillants.


Par Houda El Boudrari

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