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Club Med prospère sous pavillon chinois

Par Houda El Boudrari


Chiffres-clés
> 1,527 Md€ de chiffre d’affaires en 2017 (+4,4%)

> 1,34 M de clients en 2017 (+6,6%)
> 65 villages répartis dans 23 pays, sur 4 continents


Trois ans après la bataille boursière épique qui l’a mené dans le giron du conglomérat chinois Fosun, Club Med a réussi sa montée en gamme et renoue avec la bourse… de Hong Kong.


Tout baigne pour le Club Med. L’inventeur des vacances all inclusive affiche une santé insolente depuis qu’il bat pavillon chinois : un chiffre d’affaires en hausse sur trois années consécutives et surtout une rentabilité retrouvée après une perte de 44 millions d’euros en 2014-2015, même si le Club Med est devenu bien plus discret sur ses comptes annuels depuis son retrait de la cote en mars 2015. L’entreprise au trident s’apprête d’ailleurs à renouer avec les marchés financiers, mais sous une forme bien moins exposée. Sa maison-mère chinoise Fosun International a annoncé fin août l’IPO, sur la Bourse de Hong Kong, de sa branche tourisme qui comprend, outre le Club Med, le complexe touristique Atlantis Sanya et Albion, coentreprise créée avec Thomas Cook. Ce spin-off, qui devrait porter sur 25 % de la filiale de tourisme du conglomérat chinois, a pour objectif de « générer des moyens supplémentaires pour accélérer le développement des activités de Fosun International dans le tourisme, les loisirs et l’art de vivre », explique le groupe chinois dans un communiqué. Un mode d’action habituel pour le plus grand conglomérat diversifié de Chine, qui procède à des introductions en Bourse partielles de ses activités à fort potentiel pour en assurer le financement.


Il faut dire que le retour de la marque Club Med en Bourse était prévu par Fosun dans le projet d’OPA amicale annoncée fin 2013, avant la bataille boursière qui l’a opposé pendant des mois à son rival italien, l’homme d’affaires Andrea Bonomi, en faisant la plus longue OPA de l’histoire de la Bourse de Paris. Entre les recours déposés par plusieurs minoritaires, dont le fonds activiste français CIAM, après son annonce en mai 2013, puis la bataille entre Fosun et Bonomi, l’OPA sur le Club Med aura marqué durablement les esprits par son feuilleton à rebondissements. La longueur de l’offre a même contraint l’Autorité des marchés financiers à utiliser pour la première fois son dispositif dit d’accélération de la confrontation des offres publiques en présence. La ténacité de Fosun lui aura coûté une surenchère de 45 % par rapport à son offre initiale, valorisant le Club Med à 939 millions d’euros pour 100 % des titres, sur la base d’un prix par action de 24,60 euros.


La Chine Incontournable. Mais cette période chahutée relève désormais du passé et la marque mythique au trident vogue sur un long fleuve tranquille, revendiquant plus que jamais ses racines françaises sur un terrain de jeu mondialisé avec un fort tropisme pour l’Asie. Car l’intérêt pour la Chine ne date pas de l’OPA de Fosun. Club Med avait manifesté un appétit pour le marché chinois dès le début des années 2010, avec l’inauguration de son premier village, une station de ski baptisée Yabulée, située dans le nord-est du pays. À l’époque, il affichait déjà l’ambition d’en faire le deuxième marché après la France. C’est désormais chose faite avec l’atteinte d’un objectif de 200 000 clients chinois en 2017. Et le leader du tourisme à la française ne compte pas en rester là, avec l’ouverture cette année de deux premiers Club Med Joyview, des « resorts » situés à moins de trois heures de voiture des grandes agglomérations et dédiés aux week-ends ou aux courtes vacances en famille, dans un pays où les ménages de la classe moyenne supérieure n’ont pas de résidence secondaire. Car la Chine est le premier marché touristique mondial, en nombre de clients (120 millions) mais aussi en volume d’affaires. Un marché incontournable pour les acteurs du tourisme mondial, qui ont accueilli en masse des actionnaires de l’empire du Milieu avec plus ou moins bonne grâce. En rachetant petit à petit des titres auprès d’actionnaires historiques, le groupe Jinjiang, leader de l’hôtellerie sur son marché, a franchi le seuil des 15 % du capital d’Accor. Ce n’est pas son premier coup en France. En 2014, Il a déjà racheté la Louvre Hotels Group, qui possède des établissements de luxe et des chaînes grand public, comme Campanile ou Golden Tulip. Il a également orchestré, fin 2017, la prise de contrôle majoritaire du réseau français Hôtels & Préférence qui fédère 140 établissements de luxe dans le monde.


Montée en gamme. Mais la conquête du premier marché touristique mondial n’est pas le seul intérêt qu’a trouvé le Club Med dans son passage sous pavillon chinois. Avec la victoire de Fosun, c’est surtout la stratégie de montée en gamme contestée du patron du Club Med, Henri Giscard d’Estaing, qui a été confortée. Car le virage stratégique vers le luxe entamé par le fils du président Valéry Giscard d’Estaing, dès son accès aux commandes du Club en 2012, a impliqué une transformation profonde, longue et coûteuse. Le groupe a fermé 65 villages, soit la moitié de son parc, et investi plus d’un milliard d’euros sur la rénovation et l’ouverture de nouveaux resorts 4 et 5 tridents. Sinophile de la première heure (il a écrit un livre sur la Chine en 1977), Henri Giscard d’Estaing ne tarit pas d’éloges sur son actionnaire à longueur d’interviews. « Nous avons trouvé avec Fosun un actionnaire stable qui a soutenu avec constance notre stratégie d’internationalisation et de montée en gamme. Cela fait qu’aujourd’hui notre situation financière est extrêmement saine et que nous sommes en position d’ouvrir plus de cinq Club Med par an, ce qui ne s’était pas produit depuis vingt-cinq ans », déclarait-il dans un entretien accordé aux Échos, en janvier dernier. En effet, tous les voyants sont au vert pour l’entreprise au trident, qui a réalisé 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2017 et 30 millions d’euros de bénéfice. Une consécration pour sa stratégie de conquête des « 3G » : les vacances communes de trois générations (grands-parents, parents et enfants) et des « familles Millennials », cette nouvelle génération post-1990 qui pèse de plus en plus dans l’économie mondiale. « Avec une dynamique de croissance sur l’ensemble de ses marchés, une progression du nombre de ses clients et une nouvelle augmentation de sa rentabilité, Club Med a enregistré des performances très satisfaisantes en 2017, commentait Henri Giscard d’Estaing dans le communiqué officiel du groupe. Cela résulte du soutien de notre actionnaire Fosun et de la mise en œuvre de notre stratégie qui repose sur trois piliers essentiels : haut de gamme, globale et “happy digital”. » Le « happy digital », c’est, par exemple, une application pour faciliter la vie des clients quand ils récupèrent leur matériel de ski à leur arrivée. Ce sont aussi les nouveaux bracelets connectés qui leur permettent de ne plus avoir de clé sur soi et de régler les achats qu’ils peuvent effectuer à la boutique. Un jargon bien éloigné de l’esprit originel du Club créé en 1950, sous forme d’association, par le champion belge de water-polo, Gérard Blitz, les tentes de l’ère Trigano, le tutoiement de rigueur entre « Gentils Membres » et « Gentils Organisateurs » et les « colliers-bar » qui servaient de moyen de paiement…

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