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L’ETI : cette taille idéale si difficile à atteindre !

Comment débrider la croissance des PME pour étoffer le rang des si précieuses et rares entreprises de taille intermédiaire ? Le scale-up n’est plus l’apanage des start-up… Aujourd’hui la course à la croissance est devenue le leitmotiv des PME de tous les secteurs, avec un appétit colossal pour les acquisitions, la digitalisation et la conquête de parts de marché à l’international.


C’est la taille d’entreprise idéale : plus résilientes, plus créatrices d’emplois, à la fois plus ancrées dans les territoires et plus internationalisées, les ETI sont parées de toutes les vertus, dont la rareté. Sur les 3,9 millions d’entreprises que compte l’hexagone, on dénombre seulement 5 400 de ces champions discrets, qui emploient entre 250 et 5 000 salariés et génèrent des revenus compris entre 50 millions et 1,5 Md€. À elles seules, les ETI pèsent un quart de l’emploi salarié et le tiers de nos exportations. Mais leur nombre est bien insuffisant quand on les compare au fameux Mittelstand allemand et ses 12 500 grosses PME, et même au Royaume-Uni qui en affiche 10 500, et l’Italie qui en compte 8 000. « La France comptait le même nombre d’ETI que la RFA en 1980. Elle en compte deux fois moins que l’Allemagne aujourd’hui », déplorait Frédéric Coirier, PDG du groupe Cheminées Poujoulat (plus de 1 500 salariés, implanté dans 30 pays), coprésident du METI, Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire, à l’occasion du lancement de la « Stratégie Nation ETI » en janvier 2020. Après la « start-up nation » et un tropisme pour la French Tech, Emmanuel Macron s’est enfin tourné vers ces entreprises malaimées et parfois enclavées dans leurs territoires en recevant à l’Elysée 500 dirigeants d’ETI le 21 janvier 2020, leur promettant de les placer au cœur des stratégies du gouvernement.


Lancées en grande pompe, ces promesses ont été éclipsées entre-temps par la crise sanitaire qui a revu l’ordre des priorités et des soutiens, mais pas complètement oubliées pour autant. Un an après, le gouvernement a repris le fil de ses ambitions : le 4 mars dernier, Bruno Le Maire annonçait le lancement d’un nouveau type de prêts garantis pour soutenir l’investissement des PME et des ETI. Quelque 20 Mds€ ont été mobilisés pour stimuler la croissance d’entreprises que la crise sanitaire a rendues frileuses et que l’État veut désinhiber par tous les moyens, comme le déclarait Bruno Le Maire le 4 mars dernier : « L’investissement est le défi essentiel de la relance. Nous proposons aux entreprises un outil pour redémarrer vite et fort. Les prêts participatifs et les obligations relance sont des instruments simples, attractifs, puissants, et qui laissent une grande liberté au chef d’entreprise. Grâce à la garantie de l’État et à l’engagement des banques, des investisseurs et des sociétés de gestion, ils répondent parfaitement aux besoins des PME et des ETI qui souhaitent investir, innover, se développer. Nous nous donnons ainsi les moyens d’une reprise forte et durable de l’économie ». Outre ces dispositifs de « monnaie hélicoptère », les pouvoirs publics continuent également à mettre en place des aides qualitatives pour baliser le chemin de la croissance aux futurs champions qui s’ignorent. Une étude de Bpifrance, publiée fin janvier, vient rappeler que les PME n’ont pas besoin que d’argent pour se développer et que certaines mesures d’accompagnement non financières peuvent également porter leurs fruits dans l’accroissement du nombre d’ETI tricolores pour rivaliser avec le fameux Mittelstand allemand érigé en modèle inatteignable…


« MBA pour patron de PME »


C’est en effet dans le but de doubler le nombre d’entreprises de taille intermédiaires françaises, que la banque publique a mis en place en 2015 un « accélérateur de PME », sorte de cursus d’accompagnement à 360° de dirigeants sur toutes les problématiques de croissance. Le premier bilan publié fin janvier est encourageant : grâce à ce dispositif, le passage du statut de PME à celui d’ETI augmente de 7 %, d’après l’étude menée par une équipe de chercheurs universitaires indépendants affiliés au CNRS. Cette analyse a porté sur les trois premières promotions des Accélérateurs PME en comparant la performance économique des entreprises accélérées à celle d’un échantillon de sociétés comparables mais n’ayant pas bénéficié du programme. Concrètement, les PME coachées dans le cadre de ce programme, voient leur chiffre d’affaires s’accroître de 10 %, leur valeur ajoutée boostée de 16 % et leurs investissements corporels décuplés… Comment ? Cette sorte de « MBA pour patron de PME » lui permet tout d’abord de prendre un peu de recul d’un quotidien qui l’enlise dans une gestion exclusivement opérationnelle, lui donne les moyens de mener une réflexion stratégique en l’immergeant dans un bain d’émulation avec ses pairs et des conseils triés sur le volet, lui offre l’accès à un précieux réseau d’affaires dont il est privé au fin fond de sa province enclavée et enclenche ainsi cette mécanique vertueuse de la croissance !


Croissance externe trop timorée


Bien entendu un des leviers d’accélération les plus efficaces, mais aussi les plus complexes à actionner, est la croissance externe. Une stratégie de « buy and build » bien ciblée accélère significativement le franchissement des paliers qui séparent la petite entreprise vulnérable de l’ETI leader de son secteur. C’est ce qu’ont prouvé des exemples, que l’on voudrait multiplier, de « success stories » à la française. Le groupe Paprec, leader du recyclage, est ainsi passé d’un chiffre d’affaires de 4 M€ en 1994 à 2 Mds€ aujourd’hui grâce à une soixantaine d’acquisitions. Idem pour le numéro trois mondial de location de matériel et d’outillage Loxam, passé de 20 M€ de chiffre d’affaires à sa reprise par Gérard Deprez il y a plus de trente ans à 2,3 Mds€ en 2020 grâce à une stratégie de consolidation internationale audacieuse.


Outre l’effet de taille arithmétique, la croissance externe permet d’acquérir des compétences et des savoir-faire que les entreprises n’ont pas le temps de développer, mais qui leur sont vitales dans le contexte de compétition internationale actuel. À commencer par la transformation numérique, qui figure en haut du cahier des charges de la « stratégie Nation ETI », avec des mesures d’accompagnement à la croissance externe spécifiques. Au-delà du renforcement de dispositifs existants (Bpifrance notamment), le gouvernement veut encourager la mise en relation des ETI avec des start-up « à la fois pour soutenir l’innovation et la transformation numérique des ETI, et pour les aider à repérer des acquisitions potentielles ». « Or si les PME et les ETI utilisent le levier de la croissance externe avec parcimonie, elles le font le plus souvent par le rachat d’un concurrent plus petit. Les PME et ETI gagneraient sans doute à se tourner aussi vers des activités complémentaires, à plus forte raison à une époque où la diversification des métiers et des compétences permet de basculer sur une activité ou un modèle plus rentables quand le contexte est défavorable au cœur de métier », plaidait Jean-Daniel Guyot, fondateur de Memo Bank, dans une tribune publiée fin mars.


Par Houda El Boudrari

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