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Retour sur la 2e édition de « Gouvernance, vers de nouveaux équilibres »

Organisée par NextStep et la Lettre des Juristes d’Affaires (LJA), la 2e édition de la conférence Gouvernance s’est déroulée le 29 novembre dernier à l’Automobile Club de France. Intitulé « Vers de nouveaux équilibres », cet événement aura été l’occasion d’aborder des thèmes clés comme l’activisme, l’IA, la transmission, la prévention des difficultés ou encore la montée en puissance de l’ESG.

 

Une succession de chocs économico-énergético-géopolitiques. Une avalanche de nouvelles réglementations liées à l’ESG. Des actionnaires plus engagés. De profonds bouleversements induits par les nouvelles technologies… Il est peu dire que, depuis le début de la pandémie de Covid-19, les entreprises et leur organisation sont soumises à une inflation de défis, dont les principaux ont animé les débats de la 2e édition de la conférence Gouvernance organisée, fin novembre, par NextStep et la Lettre des Juristes d’Affaires.

Un dialogue actionnarial plus vertueux

Après une introduction par Richard Zabel, general counsel et chief legal officer d’Elliott Management Corporation, consacrée à la montée en puissance de l’activisme dans le monde (voir encadré), l’après-midi s’est ouvert par une conférence plénière sur la transformation du dialogue actionnarial d’opposition en vue d’une gouvernance plus vertueuse, « une thématique sensible depuis plusieurs années en France » selon Diane Lamarche, associée de White & Case. « Déterminer les conditions dans lesquelles un dialogue sain et constructif peut intervenir entre les émetteurs et leurs actionnaires minoritaires est primordial, bien que ce soit un exercice complexe et subtil. Ce dialogue devrait, dans tous les cas, intervenir de manière continue, sans se limiter au seul temps des assemblées générales annuelles », a rappelé l’avocate. À ce titre, Bertrand Badré, managing partner du fonds à impact Blue Like an Orange Sustainable Capital, a regretté que « la pratique des dîners conviant quelques actionnaires importants ait été abandonnée par les émetteurs dans un souci de traiter l’ensemble des investisseurs de façon égalitaire ». Un point de vue partagé par Lionel Melka, associé de Swann Capital, qui a estimé que l’« on ne peut pas gérer les gros actionnaires comme les petits ».

Responsable de la plateforme d’engagement pour le Forum pour l’investissement responsable (FIR), Marie Marchais a de son côté jugé que des petits actionnaires étaient légitimes pour « porter certaines thématiques, comme par exemple l’ESG », avant d’indiquer qu’un dialogue tenu en dehors de l’AG pouvait amener le management à prendre à son compte le dépôt d’une résolution initialement poussée par un investisseur. S’agissant plus spécifiquement de l’action de fonds activistes, Lionel Melka a enfin considéré que « si le dialogue échoue, ces derniers peuvent alors rendre leur campagne publique et chercher à fédérer des actionnaires, sachant que les bonnes idées finissent toujours par l’emporter ».

La transmission de la gouvernance, un enjeu majeur

La conférence s’est poursuivie avec la tenue de quatre ateliers. Le premier a abordé la question de la transmission de la gouvernance. Caroline Berekbaum, membre du club ETI de l’IFA, a fait remarquer que les dirigeants pouvaient avoir du mal à aborder cette question avec leurs enfants et leur entourage. Jean-Marie Savalle, président fondateur de l’entreprise familiale Isagri, a lui-même témoigné des difficultés qu’il avait rencontrées pour engager la transmission de son groupe, les questions qu’il s’était posées pour passer la main. Ancien PDG de Trescal et aujourd’hui administrateur de plusieurs sociétés, Olivier Delrieux a insisté sur l’accompagnement qui avait été nécessaire pour apprendre à se repositionner dans l’entreprise. Au sein des grandes entreprises cotées, la tâche n’en est pas moins compliquée, comme l’a expliqué Carol Xueref, administratrice des groupes Ipsen et Eiffage. Senior advisor de Morrow Sodali, Stilpon Nestor a quant à lui mis l’accent sur les attentes des grands investisseurs à l’égard du conseil d’administration pour prévoir un plan de succession clair. Et de rappeler qu’en Suède siègent au sein du comité des nominations quelques grands actionnaires, appelés à choisir la composition du conseil et évaluer son efficacité.

Une pression réglementaire croissante pour les administrateurs

Le deuxième atelier a abordé les nouvelles obligations afférentes à l’ESG, parmi lesquelles l’entrée en vigueur début 2024 de la directive CSRD. « Un texte illisible », a dénoncé Hervé Pisani, associé du cabinet Freshfields. Cette directive va contraindre les grands groupes, ETI et PME cotés à publier un rapport de durabilité très détaillé. D’autres textes devraient suivre, comme la directive CSDD sur le devoir de vigilance.

« La loi française Agec va également introduire une obligation de traçabilité de nos cuirs, ce qui implique par exemple de mettre en œuvre des processus de certification », a indiqué Marcel Nakam, directeur général de l’entreprise Jonak. La montée en puissance des « say on climate », c’est-à-dire de résolutions déposées dans le cadre de l’assemblée générale afin de recueillir l’approbation des actionnaires sur la stratégie climatique de la société, a également été au centre des discussions. « À travers ce dispositif, on demande aux entreprises de s’engager sur une trajectoire à 15 ans, voire plus, alors que les positions des scientifiques évoluent constamment sur le sujet et que les dirigeants en poste ne le seront plus », a observé Meka Brunel, administratrice de la foncière britannique Hammerson. Quid de la responsabilité des administrateurs, alors que les contentieux liés au devoir de vigilance et à la politique climatique des entreprises se multiplient dans le monde ? « En France, le cadre est plutôt protecteur pour les administrateurs dans la mesure où, pour engager leur responsabilité, il faudrait notamment démontrer une faute détachable de leurs fonctions », a rassuré Hervé Pisani. Pour autant, ce cadre résulte d’une création jurisprudentielle, qui pourrait très bien évoluer à terme.

Définir une bonne gouvernance pour les entreprises en difficulté

Fondateur de Chemouny Associés, Philippe Chemouny animait en parallèle un atelier sur la gouvernance des entreprises en difficulté. « La clé de voûte est le rétablissement de la confiance à l’intérieur de l’entreprise, avec le corps social et les partenaires de l’entreprise, c’est-à-dire, les créanciers, les fournisseurs, les clients et évidemment les partenaires bancaires », a déclaré l’avocat. Nicolas de Germay, président d’Alandia Industries et fondateur de l’ARE, a complété : « Une bonne négociation et un bon retournement, c’est une série de négociations, y compris pour reconstruire la confiance, mais c’est aussi connaître et respecter les parties en présence, fournir et partager de l’information fiable et transparente ». Mais comment rétablir cette confiance ? D’abord en donnant les mêmes informations à toutes les parties prenantes : le conseil de surveillance, le CSE et même aux salariés, lors de réunions semestrielles. Laurent Pfeiffer, président du directoire de Dalloyau, a insisté sur la lucidité et l’exemplarité, car « c’est le jeu du collectif qui sauvera l’entreprise ».

La gouvernance face à la gestion de crise

Modéré par Kami Haeri, associé de Quinn Emanuel*, le quatrième atelier était consacré à la gouvernance face à la gestion de crise. Caroline Ruellan, fondatrice de Sonj conseil, a d’abord abordé le problème de l’asymétrie d’information, car celle qui parvient aux administrateurs peut parfois être incomplète et partiale, « colorée » par le management. Group general counsel d’Unibail-Rodamco-Westfield, David Zeitoun a estimé que le conseil d’administration dispose de plusieurs outils pour réagir de manière efficace et pertinente face à une crise. En premier lieu, le risk management est un bon indicateur. D’autres clés sont le dialogue actionnarial et le niveau d’engagement des salariés, qui doivent avoir une bonne compréhension de la stratégie du groupe. Le dernier facteur réside dans l’anticipation : il convient d’avoir un « plan de crise », déjà prêt, qui définit les missions de chacun, pour pouvoir réagir rapidement dans les huit premières heures qui suivent l’évènement déclencheur de la crise et éviter ainsi la panique. Kami Haeri a insisté sur l’importance d’avoir un conseil d’administration suffisamment équilibré et diversifié pour parer à toute éventualité. « Il y a encore des progrès à faire en France, en termes de qualité et d’expertise des administrateurs », a lancé David Zeitoun.

L’IA et la gouvernance

L’après-midi s’est clôturé avec une plénière dédiée aux nécessaires adaptations de la gouvernance face à l’IA. Maria Pernas, group general counsel de Capgemini, a commencé par retracer l’histoire de l’IA, jusqu’à l’émergence, en 2015, de l’IA générative, dont l’avancée rapide va bientôt révolutionner l’ensemble des industries et leur mode de fonctionnement. « Selon un récent sondage, le sujet de l’IA est à l’agenda du conseil d’administration dans 96 % des sociétés interrogées, insiste-t-elle. L’IA est le futur des entreprises ». De fait, selon Denis Terrien, président de l’IFA,

« l’IA affecte l’éthique, les valeurs et le travail des entreprises. À ce titre, elle devient un sujet de stratégie, et donc un sujet pour le conseil d’administration ». De l’avis de Maria Pernas, l’IA permettra de structurer des idées existantes et sera une aide au choix, sans pour autant remplacer l’humain. Avocat fondateur de Simon Associés, Jean-Charles Simon considère, lui, que l’IA générative sera un membre à part entière du conseil d’administration à court terme. « C’est inéluctable. Il n’y aura certes pas l’ADN humain, mais l’IA sera capable de donner une réponse objective à une question donnée ». Dans cette configuration, il est important de former les administrateurs à l’IA, voire « que le conseil d’administration se dote d’une verticalité sur le sujet » selon Dan Kohn, directeur de la prospective et de l’intelligence du marché du groupe Septeo. Dans cette perspective, « il importe que l’IA s’appuie sur les données internes et puisse appréhender la culture d’entreprise », a relevé Emery Jacquillat, président de la Camif et de la Communauté des entreprises à mission.

Arnaud Lefebvre

Gouvernance

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