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« La finance positive est notre raison d’être »

Alors que GENEO Capital Entrepreneur vient de souffler ses cinq premières bougies, Fanny Letier, co-fondatrice avec François Rivolier, a raconté à la rédaction de NextStep comment cette société d’investissement s’engage auprès des ETI et pré-ETI pour accompagner leur développement.

GENEO Capital Entrepreneur est une société d’investissement evergreen, un modèle encore rare en France. Qu’est-ce qui vous a inspiré ?

Avant de me lancer dans l’aventure entrepreneuriale, j’ai dirigé les accélérateurs PME et ETI de Bpifrance. J’avais constaté que nombre d’entreprises se freinaient dans leur plan de croissance parce qu’elles refusaient d’ouvrir leur capital à un fonds. Elles restaient dans une logique malthusienne, calant leur croissance sur leurs cash flows dégagés et sur les prêts des banques. Avec François Rivolier, qui dirigeait les fonds d’investissement de Société Générale, nous avons cherché à comprendre leur défiance vis-à-vis des fonds d’investissement, surtout ceux qui restent minoritaires et n’entraînent donc pas de risque de perte d’indépendance. Parmi les arguments qui nous ont été présentés, nous avons notamment relevé celui du désalignement temporel entre les dirigeants de PME ou d’ETI qui se projettent au moins à l’échelle d’une génération, donc une vingtaine d’années, avant de se demander à qui ils peuvent transmettre ou céder. À leurs côtés, les fonds d’investissement sont, pour leur part, enserrés dans des contraintes d’investissement de cinq ans en moyenne, les obligeant à arrêter d’investir dans l’entreprise au bout de trois ans pour préparer leur sortie. Au sein de la gouvernance de l’entreprise, ces horizons temporels différents créent un désalignement stratégique provoquant des stops & go notamment sur les capex, un manque d’agilité et un risque de passer à côté d’une opportunité de croissance externe très intéressante pour rester leader sur son marché.

Lorsque j’exerçais comme secrétaire générale du Ciri, entre 2010 et 2012, j’avais en outre constaté que certaines entreprises devaient parfois vivre concomitamment deux périodes difficiles, non seulement la crise financière mais aussi la sortie du fonds actionnaire. Ces constats nous ont poussés à réfléchir à une forme de véhicule d’investissement contracyclique, capable de s’adapter au cycle naturel de l’entreprise et à l’environnement macro-économique. Rappelons-nous qu’il y a cinq ans, nous sortions de dix ans de croissance et tout le monde s’attendait à un retournement de cycle, même si personne n’imaginait une pandémie mondiale ! Nous nous sommes donc inspirés du modèle evergreen que pratiquait déjà François Rivolier, pour créer une société d’investissement indépendante et entrepreneuriale, dont il y avait déjà quelques exemples réussis en Belgique, dans les pays scandinaves et au Canada.

Comment le modèle a-t-il été accueilli en France ?

Le décollage de GENEO a été assez rapide. Il répond à la fois à un besoin et à une forte attente, sur le plan de l’investissement bien sûr, mais aussi sur celui de l’accompagnement. Nous avons en effet mené 27 investissements en 5 ans – dont 21 en evergreen – et avons levé 600 M€ dont 330 M€ en evergreen. Au démarrage, nous avions levé 90 M€ exclusivement auprès de family offices et d’entrepreneurs. Puis, les institutionnels nous ont fait confiance. Dès la première année, GENEO a signé trois investissements. Et la pandémie a débuté. Passé la surprise, elle s’est finalement révélée être un accélérateur puisque GENEO a réalisé six investissements en 2020. Nous avons même procédé à des réinvestissements dans les sociétés dans lesquelles nous étions déjà actionnaires, pour les aider à mener des acquisitions à contrecycle. Nous avons également poussé nos entreprises en portefeuille à rester offensives pendant le Covid, notamment s’agissant de la digitalisation ou de la croissance à l’international, démontrant ainsi toute la force de notre modèle d’accompagnement.

Quelle est justement l’originalité de ce modèle d’accompagnement ?

Nous apportons aux entreprises des fonds propres, du conseil et une communauté business. Il est rare que ces trois offres soient proposées au sein d’un même fonds qui dédie des salariés à ces missions d’accompagnement. Près de 50 % de nos équipes sont affectées au conseil opérationnel (en M&A, impact, RSE, digital, innovation, structuration du passif) et à la communauté business pour faciliter les mises en relation entre nos 220 familles et entrepreneurs-investisseurs et les dirigeants des sociétés en portefeuille. Nous avons en outre constitué un vivier de consultants spécialisés, adaptés à de la PME, pour conduire des missions de formation, de management de transition, de temps partagé, dans l’optique de mener des actions concrètes de transformation et non un simple diagnostic. GENEO se veut être un véritable sparring-partner au sein de ses sociétés investies.

Quelles ont été les réactions des dirigeants que vous accompagnez car ce sont tout de même des démarches très « hands-on » ?

GENEO Capital Entrepreneur reste toujours minoritaire au capital avec des investissements allant de 3 à 30 M€, ce qui rassure les dirigeants. Nous n’imposons jamais, mais suggérons. Avant l’investissement, nous expliquons au dirigeant ce que l’on a compris de sa société et ce sur quoi nous pouvons l’accompagner. Sont alors esquissés les axes de notre feuille de route, que nous appelons « Carnet de croissance ». Post-investissement, le dirigeant co-signe avec nous les sujets sur lesquels il attend un accompagnement. En général, 80 % des attentes peuvent être menées par le management, GENEO se concentrant sur les 20 % restant pour apporter des ressources complémentaires à l’entreprise.

Comment ciblez-vous vos investissements ?

Nous cherchons des sociétés de niche réalisant plus de 10 M€ de chiffre d’affaires et plus d’1 M€ d’Ebitda, qui ont une forme de leadership, qu’elles soient numéro 1 français ou qu’elles aient un temps d’avance en matière d’innovation, avec une ambition de devenir championnes européennes dans les services, ou internationales dans l’industrie. Nous les repérons dans les territoires, au sein des régions, grâce au soutien de notre réseau GENEO qui est extrêmement granulaire au niveau régional et qui comprend 45 family offices et 150 entrepreneurs. C’est une communauté multisectorielle et multirégionale qui est active aussi bien en origination qu’en accompagnement.

Nous allons également à la rencontre des entreprises grâce à l’organisation d’une trentaine d’événements par an, en partenariat parfois avec des clubs entrepreneurs ou avec des conseils financiers.

Quelles sont vos perspectives pour 2024 pour vos trois véhicules d’investissement ?

L’année 2024 sera celle de l’arrivée à maturité de l’evergreen, qui est déployé à 100 %. Nous rentrons donc dans le moment de l’investissement de long terme et le véhicule va se développer par augmentations de capital régulières pour réinvestir dans les sociétés les plus dynamiques de notre portefeuille (en 2023, elles ont représenté un tiers des montants investis). J’ajoute que les 21 sociétés investies en evergreen ont réalisé 52 acquisitions, dont 26 à l’international. D’autres vont sortir car elles auront terminé un cycle et on remettra le capital au travail dans de nouvelles sociétés. Nous fonctionnons par cycle allant de cinq à sept ans. Mais si une entreprise va plus vite que prévu – ce qui a été le cas d’une société spécialisée dans la santé au travail et d’une autre agissant dans la transformation de l’immobilier de bureau – nous pouvons travailler avec eux à une opération intermédiaire, pour ainsi les accompagner sur une durée encore plus longue. Pour les sociétés qui connaissent un accident de parcours, nous n’avons pas de problème non plus à rallonger notre durée d’investissement : en prenant cette posture pendant le confinement, nous avons permis aux entrepreneurs de superposer les enjeux défensifs et offensifs.

Pour nos investisseurs aussi cette arrivée à maturité est intéressante. Aujourd’hui, tout nouvel entrant sait exactement dans quoi il investit : dans 21 sociétés dont il acquiert une quote-part. Pour assurer la stabilité des ressources, GENEO verse un dividende aux investisseurs visant à les fidéliser dans le temps et nous permettre de travailler dans la durée avec les entreprises.

S’agissant de notre programme Obligations relance, il est terminé. Nous avons investi dans 8 sociétés, dont 4 étaient déjà présentes dans la communauté GENEO. Nous attendons le programme des Obligations de transition qui pourrait sortir l’été prochain.

Enfin, le fonds GENEO Mezzanine, instrument financier de quasi-fonds propres à impact, a déjà réalisé deux investissements significatifs. Nous allons continuer à déployer les 100 M€ de capitaux gérés auprès d’ETI porteuses d’un projet d’avenir, pour les accompagner dans la mise en œuvre de leur plan d’impact. C’est notre raison d’être : la finance positive !

 

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