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Sycomore - Scotto Partners : Préserver la dynamique entrepreneuriale tout en œuvrant pour le collectif

En février 2019, Generali annonçait l’acquisition d’une participation majoritaire dans Sycomore Factory SAS, société contrôlant Sycomore Asset Management. Acteur de référence de l’investissement socialement responsable (ISR) en France, Sycomore franchissait alors une étape décisive, 18 ans après sa création. Retour sur une aventure qui se voulait avant tout collective.


Sycomore AM a quasiment 20 ans d’existence. Comment la société s’est-elle construite ?


Christine Kolb : Nous étions cinq associés fondateurs et avions précédemment exercé ensemble au sein de la Banque du Louvre. Avec une pointe d’audace, nous avons créé Sycomore AM en 2001, qui investit exclusivement dans les entreprises cotées. Cette aventure collective repose sur un partenariat équilibré entre les fondateurs et la complémentarité de leurs compétences. L’indépendance est clé dans ce projet d’entreprise, pas uniquement d’un point de vue capitalistique mais surtout dans la façon dont nous concevons l’exercice de notre métier. Dès le début, nous avons en effet déployé une démarche d’investisseur responsable fondée sur une méthodologie d’analyse propriétaire des entreprises qui est la colonne vertébrale de notre gestion. En effet, la simple lecture d’un compte de résultat, ou d’un bilan, ne suffit pas pour appréhender les leviers de performance durable de l’entreprise. Dès lors, des critères extra-financiers environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ont été intégrés dans notre analyse fondamentale parce qu’ils impactent la performance économique, et donc boursière des entreprises. Cette approche pragmatique est devenue, il y a douze ans déjà, un engagement vis-à-vis de nos clients de flécher nos investissements principalement vers des sociétés vertueuses en matière environnementale et sociétale.


Comment les salariés ont-ils été impliqués dans la construction de l’entreprise ?


Lionel Scotto : J’accompagne les fondateurs de Sycomore depuis le début de l’aventure et j’ai désormais quasiment un sentiment d’appartenance à l’équipe. L’entreprise est née juste avant le 11 septembre 2001, le pari paraissait alors insurmontable. Les associés n’ont pourtant jamais dévié de leur vision stratégique d’investisseur responsable, mais également de fondateurs responsables vis-à-vis de leurs salariés. Pour eux, la croissance n’est durable que si elle est partagée au sein de la société. Les managers ont donc eu très tôt accès au capital en co-investissant, avec des possibilités de relution à des échéances déterminées et en fonction d’objectifs préalablement fixés. Ce qui est assez unique c’est la récurrence de ces plans d’intéressement. Il y en avait déjà eu trois successifs et un quatrième a été mis en place au moment de l’entrée au capital de Generali. Pour chacun d’entre eux, j’ai suggéré la technicité du support. Dès 2006, les salariés ont co-investi via des bons de souscription d’actions qui leur donnaient une perspective de relution de 10 %. Au fur et à mesure de l’aventure, des partenaires prestigieux sont venus accompagner l’entreprise et, à chaque fois, on permettait aux salariés de réinvestir une partie de leur mise avec un nouveau plan d’incentive. Dès 2012, le niveau d’accès au capital a été augmenté pour atteindre 20 %. En 2019, lorsque Generali est entré majoritairement au capital, les fondateurs ont précompté la dilution future du quatrième plan sur leur prix de vente, pour permettre aux équipes de continuer à bénéficier de plans d’incentive en actions. Cette démarche vertueuse a sans aucun doute permis de stabiliser les équipes sur la durée.


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C.K. : Notre démarche répond à un double objectif : l’alignement d’intérêt bien sûr, mais aussi notre volonté de préserver cet esprit entrepreneurial des équipes. Aujourd’hui, près de la moitié des collaborateurs de Sycomore sont actionnaires de la société. Nous avons élargi les cercles aux personnes clés, en fonction notamment de critères de compétence, de loyauté et d’engagement.


Comment s’est déroulé le processus de négociations avec Generali ?


C.K. : En 2018, nous avons engagé un processus pour trouver un partenaire qui nous donnerait les moyens de notre ambition. Nous voulions un processus assez court – l’opération a finalement été signée en trois mois et demi – car l’incertitude inhérente est toujours déstabilisante pour une entreprise. De plus, la force de Sycomore réside dans son agilité et, en optant pour un timing resserré, nous pouvions ainsi tester la réactivité du partenaire. Avec Generali, nous sommes tombés très rapidement d’accord sur les principes de notre association. Certes, c’est un deal majoritaire en termes capitalistique, mais il préserve beaucoup d’autonomie à Sycomore dans différents domaines clés : la marque et le positionnement, la stratégie et le développement de la société, la gestion de nos portefeuilles et de nos équipes. Nous avons également élargi l’actionnariat salarié. En revanche, Generali est impliqué sur le contrôle des risques et la compliance de la société.


J’ajoute que nous avons été très bien accompagnés par les équipes de Lionel Scotto, qui a une profonde connaissance de l’histoire de Sycomore. Nous partageons avec lui cet ADN d’entrepreneur, la même vision. Il fait en quelque sorte partie de la famille.


L.S. : Avec 6,4 milliards d’euros d’actifs sous gestion, les fondateurs estimaient que Sycomore avaient atteint une taille critique. Ils se sont alors interrogés pour savoir s’ils devaient continuer l’aventure en stand alone avec des problématiques d’internationalisation, de réseau et de sourcing, ou s’ils devaient s’adosser à un partenaire. La cible intéressait aussi bien des industriels que des sponsors financiers. Nous avons alors organisé un processus compétitif, mais très rapidement ils ont opté pour la voie industrielle. C’est surtout parce que Generali a été au rendez-vous et a fait preuve d’une agilité incroyable. Je pensais que l’aspect process d’enchères allait désavantager l’industriel par rapport aux fonds. Mais en réalité, Generali a été aussi rapide qu’un fonds en comprenant toutes les attentes légitimes des vendeurs et en acceptant de traiter les aspects liés aux accords entre actionnaires pour le futur en même temps que la vente des actions. La question du prix a finalement été secondaire par rapport à l’offre globale qui permettait de préserver la dynamique de Sycomore.


N’est-ce pas difficile de continuer à diriger l’entreprise après avoir vendu la majorité du capital ?


C.K. : Je ne considère pas avoir vendu Sycomore. Certes, Generali est devenu actionnaire majoritaire mais les fondateurs et collaborateurs restent actionnaires significatifs. Nous avons noué un partenariat stratégique avec Generali. C’est une étape importante pour le développement de Sycomore. Bien sûr, du point de vue de notre quotidien, certaines choses ont changé. Nous avons un devoir de reporting plus lourd que par le passé, mais c’est une contrainte acceptable. J’avais d’ailleurs bien insisté sur ce point durant nos négociations : le reporting ne doit pas nous asphyxier et freiner nos démarches entrepreneuriales. Dans les faits, nous avons la liberté de lancer des initiatives qui sont ensuite accompagnées par notre partenaire. Nous mesurons donc pleinement le bien-fondé de l’opération.


Comment structurer au mieux le pacte d’actionnaires pour organiser de façon sereine les relations futures ?


L.S. : Il s’agissait d’imaginer un pacte qui basculait un contrôle en capital et en droit de vote, tout en rééquilibrant les droits naturels de l’actionnaire. Aujourd’hui l’intégrité de la gestion opérationnelle est préservée et revient à l’équipe Sycomore. Les perspectives de croissance et le développement de la société restent également à la maîtrise des fondateurs qui ont un droit de veto en cas de projet de build-up. Enfin, les outils d’incentive ont été précomptés dans le deal et demeurent à la main des fondateurs. Il n’y a pas de point de rendez-vous mais le jour où les partenaires voudront se séparer, des garde-fous sont contractualisés permettant aux salariés d’avoir une liquidité de sortie. Le pacte est néanmoins relativement succinct et donne beaucoup de droits à l’équipe des fondateurs. C’est pour cela qu’ils se sentent toujours chez eux, en quelque sorte.


Quelle a été la réaction de l’équipe de salariés à l’opération ?


C.K. : Les personnes clés étaient impliquées dans le processus et associées aux rencontres avec Generali. Et pour le reste des collaborateurs, des points d’étapes sur l’évolution du processus ont été organisés. Nous avons été totalement transparents et les avons embarqués dans l’opération, en offrant à certains la possibilité de devenir actionnaires de Sycomore.


L.S. : La transparence qui a été mise en place a permis d’éviter un désalignement entre les fondateurs et les managers et il a été assez facile pour nous de conseiller l’ensemble. Le but est de pouvoir continuer à incentiver un maximum de personnes clés pour la nouvelle étape qui s’ouvre avec Generali. Étant dans un cadre contraint au niveau du capital, nous allons cette fois-ci avoir recours à des outils d’intéressement gratuits. L’opération de 2019 a été un marqueur de leur vie car, pour certains, elle a permis de changer les choses patrimonialement.

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