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Le LBO tricolore aiguise l’appétit des fonds étrangers

Loin de freiner les ardeurs des nouveaux courtisans du private equity français, la crise sanitaire a accéléré l’arrivée à Paris de plusieurs fonds internationaux depuis le printemps. Des signatures prestigieuses qui tablent sur la proximité pour convaincre les dirigeants des pépites tricolores.


Ces derniers mois ont vu l’installation d’une bonne demi-douzaine de fonds étrangers venus disputer les cibles rares et chères du mid market français aux spécialistes du LBO tricolore. Qu’ils souhaitent ouvrir pour la première fois leur capital ou qu’ils soient rodés aux LBO secondaires, tertiaires et quaternaires, les dirigeants d’ETI françaises n’ont que l’embarras du choix entre les acteurs historiques au « track-record » local et ces nouveaux arrivants à la puissante force de frappe et aux arguments de différenciation parfois exotiques. Du charme scandinave d’un EQT au pragmatisme anglo-saxon d’un Lone Star en passant par la spécialité sectorielle de l’américain Marlin Equity Partners ou le prisme Impact du fonds italien Ambienta, sans oublier l’approche « buy and build » du néerlandais Waterland, le spectre des compétences est large malgré l’étroitesse d’un marché français plutôt embouteillé.


Prisme impact. « Les problématiques des entrepreneurs sont les mêmes partout, il n’y a pas vraiment de spécificité culturelle en fonction de la zone géographique », estime Gwenaelle Le Ho Daguzan qui a commencé par faire des deals franco-français chez le family office Dzeta avant de se frotter au large cap international chez Bridgepoint, et souhaite aujourd’hui concilier le meilleur des deux mondes chez Ambienta, dont elle a ouvert le bureau français en septembre. L’associée parisienne du fonds italien table aussi sur l’ADN entrepreneurial et l’agilité d’un process de décision décentralisé que revendique sa nouvelle maison pour emporter l’adhésion des dirigeants de PME et ETI tricolores. Mais c’est surtout le prisme « impact » qui fait la particularité du positionnement de ce nouvel acteur transalpin. L’investisseur milanais positionné sur « la durabilité environnementale » depuis sa création en 2007, compte déjà des équipes à Londres et à Dusseldorf en plus de son siège historique à Milan, mais il est encore peu connu en France où il compte un seul investissement en début d’année dans le fabricant francilien d’arômes et d’ingrédients Nactis Flavours, un build-up de sa participation italienne Aromata. Le fonds paneuropéen, aux 1,5 milliard d’euros sous gestion cible le smid cap avec des tickets majoritaires de 30 à 100 millions d’euros. Ni fonds thématique ESG ni investisseur sectoriel en transition énergétique, Ambienta revendique une méthodologie propriétaire pour appliquer le prisme « développement durable » à une stratégie d’investissement généraliste. D’où sa position atypique dans le paysage du private equity européen. « Nous sommes les premiers à avoir structuré une approche développement durable dans notre stratégie d’investissement, indépendamment du secteur de la cible », explique Mauro Roversi, associé et directeur des investissements private equity d’Ambienta, qui compte sur son positionnement différenciant pour convaincre les dirigeants d’entreprises familiales françaises d’ouvrir leur capital. « 90 % de nos deals sont primaires », revendique l’associé italien du fonds.


Angle « buy and build ». Il faut dire que dans un paysage français du smid-cap trusté par des fonds généralistes aux stratégies analogues, la différenciation se fait souvent sur la personnalité des associés et la générosité du management package. « Le lien de proximité tissé avec les managers bien en amont des process reste une valeur sûre pour accroître ses chances de l’emporter, encore faut-il avoir les moyens humains d’investir sur le long terme en mobilisant ses équipes sur des deals trois ou quatre ans à l’avance », souligne un banquier d’affaires du mid-cap. Ce travail de longue haleine favoriserait a priori les « usual suspects » de la place, capitalisant sur des process perdus pour revenir à la charge auprès de managers quelques années, voire quelques mois plus tard. Mais il ne faut pas sous-estimer pour autant l’angle d’attaque des nouveaux arrivants, qui peuvent justement séduire avec une approche plus agressive, un regard plus neuf, une promesse de conquête de territoires plus ou moins lointains, tout en rassurant avec une implantation de proximité. Des atouts que cumule l’investisseur néerlandais Waterland, aux 6 milliards d’euros sous gestion, qui a également planté son drapeau sur le marché du mid cap français en septembre. Le fonds, reconnu régulièrement par les classements Preqin et HEC/Dow Jones parmi les plus performants au niveau mondial, fait une arrivée remarquée en recrutant le CEO d’Altrad, Louis Huetz de Lemps. Artisan de la transformation du groupe montpelliérain de services à l’industrie passé, depuis son arrivée en 2013, de 600 millions d’euros à 3 milliards de chiffre d’affaires, le nouveau managing partner de Waterland retrouve l’écosystème de son ancienne carrière de conseil M&A chez Leonardo, aujourd’hui Natixis Partners. Ce nouveau chapitre dans le private equity devrait lui permettre de construire un pont entre ses deux anciens univers, comme il le déclare dans le communiqué de lancement du fonds. « J’ai accepté avec enthousiasme de lancer et de diriger le bureau parisien de Waterland, dont la stratégie d’investissement apportera une nouveauté dans le paysage du private equity français. Nous appuierons des entrepreneurs dans des stratégies pan-européennes de “buy and build”, en mobilisant nos ressources dans nos différents bureaux européens. Ainsi, depuis sa création, Waterland a réalisé en moyenne six “build-ups” pour chaque entreprise acquise, ce qui constitue un record en la matière ». Couvrant un spectre assez large de cibles allant de quelques dizaines de millions d’euros de valorisation à plusieurs centaines de millions, Waterland n’a pas délaissé le bas du mid cap à mesure de la montée en puissance de la taille de ses véhicules, dont le dernier, Waterland VII, a levé 2,1 milliards en 2017.


Les grosse machines de guerre. Dans la cour des grands, c’est encore le géant suédois EQT qui a ouvert le bal des nouvelles arrivées en annonçant l’ouverture de son bureau parisien en juin. Créé en 1994 et coté sur le Nasdaq de Stockholm, l’investisseur présent dans le private equity, les infrastructures, l’immobilier et la dette ouvre sa vingtième antenne dans la capitale et en confie la présidence à Nicolas Brugère, recruté en janvier dernier après quatorze années passées chez PAI Partners. Avec plus de 40 milliards d’euros sous gestion, le fonds comptait déjà dans son portefeuille plusieurs sociétés françaises dont le spécialiste du traitement des eaux usées SAUR, CallDesk, un éditeur francilien d’un assistant virtuel pour les centres d’appels et TinyClues, un éditeur d’une solution Saas de marketing prédictif. Son ancrage local a pour but de le rapprocher des cibles de ses trois activités parisiennes : l’infra, le LBO et le venture comme il l’a illustré à la fin de l’été en remportant le process de vente très disputé du quatrième opérateur français d’Ehpad Colisée au détriment d’Antin IP, CDPQ Infra, KKR Infrastructure et CVC Capital Partners pour une valorisation entre 2,2 et 2,3 milliards d’euros, selon les informations publiées par Capital Finance.


Toujours côté grosses machines de guerre mondiales, la méga plateforme d’investissement Lone Star qui investit aussi bien dans l’immobilier que dans la dette ou le LBO vient d’embaucher pour suivre le marché du mid-cap français un associé de LBO France, Vincent Briançon. La firme, très discrète, a bouclé la levée de Lone Star Fund XI à 8,1 milliards d’euros l’an passé. Plus sectoriel, son concitoyen américain Marlin Equity Partners spécialisé dans les logiciels s’est également implanté en France à la rentrée. Il confie la responsabilité de son bureau parisien à Jérémy Nakache et à David Feiner qui évoluaient respectivement chez 3i et Natixis Partners. Fort de plus de 6 milliards d’euros sous gestion, Marlin Equity Partners a conclu son premier investissement tricolore cet été, en prenant une position minoritaire au capital de l’expert du développement de logiciels Pentalog.


Par Houda El Boudrari

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