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L’ÉPÉE DE DAMOCLÈS DES CONTENTIEUX ESG

Si l’ESG était déjà une préoccupation majeure de compliance pour les entreprises, elle devient aujourd’hui un motif de contentieux important qu’il convient d’anticiper fortement. Associée corporate/contentieux commercial de White & Case, Diane Lamarche revient sur cette tendance.

Quelques semaines après la tenue en France du premier procès sur le devoir de vigilance qui vise TotalEnergies, Danone vient à son tour d’être assigné devant la justice pour non-respect de ce même devoir en matière de pollution plastique ? Assiste-t-on à une vague de contentieux ESG ?

Diane Lamarche : À ce jour, leur nombre demeure limité. S’agissant du devoir de vigilance, qui a été introduit dans le droit français en mars 2017, seulement une dizaine d’entreprises ont jusqu’alors fait l’objet d’une action judiciaire. En matière de greenwashing, le nombre de décisions rendues et recensées est également relativement faible, même si plusieurs dossiers sont actuellement pendants devant les tribunaux, avec quelques décisions de première instance déjà rendues sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses. La responsabilité des dirigeants en matière d’ESG est, quant à elle, encore à un état théorique. En s’en tenant strictement aux chiffres, difficile donc de parler de « vague » de contentieux de nature ESG. Mais tout porte à croire que ceux-ci sont appelés à se multiplier dans les mois et années à venir, avec une médiatisation grandissante.

Pour quelles raisons ?

Diane Lamarche : Extrêmement médiatisée, la RSE constitue d’abord une problématique contemporaine scrutée de près par de nombreuses parties prenantes susceptibles d’initier des campagnes, voire des poursuites judiciaires, à l’instar des ONG et des investisseurs activistes. D’ailleurs, le nombre de textes sur ces sujets ne fait qu’augmenter. Outre l’obligation relative au devoir de vigilance, on peut citer en France la loi « Climat et résilience », la loi « Anti-gaspillage pour une économie circulaire » (AGEC) ou encore la loi Pacte, qui a notamment établi un lien direct entre l’intérêt social de la société et les enjeux environnementaux et sociaux. Au-delà de la juxtaposition de nombreuses règles à respecter, cette effervescence législative et réglementaire expose d’autant plus les entreprises à des risques de contentieux que leur champ d’application est parfois particulièrement large. Par exemple, le devoir de vigilance des maisons mères s’applique à l’ensemble des filiales directes et indirectes, des fournisseurs et des sous-traitants avec qui le groupe a noué une « relation commerciale établie ». Problème, le texte ne précise pas ce qui est entendu par « établie ». Or ces zones de flou ne se limitent pas à ce texte. La loi AGEC, par exemple, interdit l’usage dans les publicités de certains termes, et « toute mention équivalente » à ces derniers, sans toutefois donner d’indications plus précises.

À ce titre, les éclaircissements qu’apportera la jurisprudence seront précieux. Quels risques encourent les entreprises suspectées d’enfreindre ces règles ?

Diane Lamarche : Ils sont au nombre de quatre : risque d’image et de réputation, risque économique, risque de raids activistes quand le groupe est coté, et risque judiciaire. À ce dernier sujet, les sanctions peuvent être lourdes, à l’encontre tant des personnes morales que physiques, avec notamment un volet pénal qui devient de plus en plus coercitif. C’est pourquoi la prévention des risques devient un sujet d’attention grandissant pour les entreprises. D’ici l’automne, l’Union européenne envisage d’adopter une directive sur le devoir de vigilance des entreprises.

En l’état, ce projet change-t-il la donne pour les groupes français ?

Diane Lamarche : Oui, à plusieurs niveaux. Alors que cette obligation de vigilance concerne aujourd’hui 200 à 300 entreprises françaises, la proposition de la Commission européenne pour une directive sur le devoir de vigilance devrait prévoir un champ d’application plus large. Le périmètre de vigilance serait également élargi, tant sur la chaîne de valeur que sur les mesures de prévention à mettre en place. Il s’agira donc d’une thématique à suivre de près cette année, au même titre que la soumission au vote des actionnaires de résolutions climat – le . say on climate . –, qui suscite des attentes croissantes.

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