Decathlon (articles de sports et loisirs), Léon Grosse et Rabot Dutilleul (BTP), Vestiaire collective (plateforme d’achat et de revente de pièces de luxe et de créateurs de seconde main), Geev (application), Accenta (décarbonation des bâtiments), Cool Roof France (revêtement réflectif pour toiture), Lisea (société concessionnaire de la ligne à Grande Vitesse Sud Europe Atlantique), CVE (producteur d’énergie renouvelable), Naïo Technologies (agritech)… Évoluant dans différents secteurs d’activité, ces sociétés de taille diverse partagent un point commun : celui d’avoir distribué à leurs actionnaires des dividendes… climat !
Financer la transition écologique
Pour le moins originale, cette démarche est portée par l’association Dividendes Climat (Climate Dividends). Ayant comme membres fondateurs l’Ademe, Mirova, la plateforme de gestion des données ESG Sweep, Team for the Planet, 2050 et la Fondation Kanopée Partage, celle-ci a été officiellement créée en janvier 2023. Mais sa genèse remonte à 2021, lorsque le responsable de Team for the Planet, un fonds citoyen à but non lucratif dédié au financement de solutions climatiques, sonde des acteurs du monde de la durabilité et de l’investissement à impact à des fins de développer un outil simple et standardisé permettant de mesurer le rendement climatique d’investissements réalisés. Avec l’appui de plusieurs spécialistes de l’Ademe, Sweep, Demeter, Carbone 4 ou encore de l’organisation CDP (Carbon Disclosure Project), les premiers contours des Dividendes Climat sont alors dessinés. Imaginés comme le pendant extra-financier des dividendes traditionnels, leur dessein est, avant tout, d’encourager le financement de la transition écologique. « Aujourd’hui, une entreprise qui fabrique par exemple des pompes à chaleur voit son empreinte carbone être mesurée, témoigne Laura Beaulier, directrice de l’Association des Dividendes Climat. En revanche, le fait que ses produits contribuent à la décarbonation n’est absolument pas évalué, ni valorisé. Les dividendes climat ont justement l’ambition d’y remédier ».
Symboliques, mais…
S’adressant tant aux investisseurs qu’aux entreprises, cette innovation vise ainsi à apprécier la contribution positive de ces dernières au défi de décarbonation de la planète. À partir d’un processus et d’un protocole établi par l’association avec l’aide d’un comité technique de 12 experts (voir encadré), chaque « utilisateur » doit pour ce faire quantifier les émissions de CO2 « évitées » ou « séquestrées » grâce à ses produits ou services. Selon la définition de l’Ademe, les émissions évitées concernent les réductions d’émissions réalisées par ses activités, produits et/ou services, lorsque ces réductions se réalisent en dehors de son périmètre d’activité. Quant à celles dites séquestrées, elles renvoient aux quantités de dioxyde de carbone qui sont retirées de l’atmosphère et stockées de manière durable. Une fois les calculs de la société certifiés par un tiers indépendant, les économies de gaz à effet de serre rejetées sont alors converties en dividendes climat, à raison d’un dividende par tonne de CO2 évitée et/ou séquestrée. Recensés sur un registre accessible publiquement, ceas derniers sont ensuite distribués aux actionnaires, au prorata de leur participation.
Ces instruments ne donnant lieu à aucun versement d’argent et ne pouvant être monétisés, leur attribution peut certes apparaître symbolique. Pour autant, l’exploitation qui en est faite peut se révéler vertueuse à plusieurs titres. Outre l’aspect communication, « les dividendes climat créent un lien tangible et traçable entre le financier et l’extra-financier, en aidant les investisseurs à mesurer l’efficacité de l’allocation de leur capital en matière climatique », souligne tout d’abord Laura Beaulier. De quoi ainsi renforcer, à leurs yeux, l’attractivité des entreprises qui recourent à ce mécanisme. En outre, beaucoup sont convaincus que les dividendes climat auront, à terme, une incidence sur la valorisation financière des sociétés concernées. « Il est question de « goodwill climatique », à savoir d’investisseurs ou d’acquéreurs qui seront prêts à payer une prime pour entrer au capital ou mettre la main sur des entreprises vertueuses sur le plan environnemental », ajoute la directrice générale de l’association.
Des objectifs ambitieux
Celle-ci ne manque pas d’ambition. Dans la cadre de la phase pilote de deux ans achevée en 2024, l’initiative a déjà fédéré une dizaine de sociétés de gestion ainsi qu’une trentaine d’entreprises françaises, européennes et nord-américaines – qui ont récompensé sur la période plus d’une centaine de leurs actionnaires. En 2025, un doublement du nombre d’utilisateurs est espéré par Climate Dividends. Présidée par Brune Poirson, ex secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique, l’association a érigé quatre grandes thématiques sectorielles pour cette année : les énergies renouvelables, les énergies thermiques, la rénovation dans le bâtiment et la mobilité. Les déchets et la circularité, notamment, suivront.