Spécialisée dans la fabrication de cadeaux, coffrets et accessoires à destination des acteurs de la distribution, la PME nordiste Anaïk, qui fête ses 50 ans cette année, place l’éco-conception au cœur de son développement. Passionné d’alpinisme et sensible aux problématiques écologiques, son dirigeant vient de la transformer en société à mission et d’obtenir la certification B Corp.
Il y a des voyages qui laissent une trace indélébile.
Passionné de montagne et de sports alpins, Frédéric Delloye s’engage, lors du printemps 2017, dans l’ascension de l’Everest. Objectif de cette expédition, réalisée sous l’égide de l’association humanitaire Montagne & Partage : collecter et traiter les déchets jonchant l’itinéraire népalais menant au plus haut sommet du monde. Pas moins de 5 200 kg de détritus en seront redescendus. De quoi marquer à jamais l’équipe d’alpinistes bénévoles parties prenantes de cette initiative. « À mon retour en France, j’ai fait le constat qu’il n’était pas possible de mener de telles actions en faveur de la planète à titre personnel, sans adopter la même démarche en tant que chef d’entreprise », raconte Frédéric Delloye, CEO et actionnaire majoritaire d’Anaïk, qu’il a rejoint en 1998. Basée à Villeneuve d’Ascq, près de Lille, cette PME quinquagénaire depuis cette année est spécialisée dans la conception et l’approvisionnement de cadeaux et coffrets promotionnels pour les grandes marques et enseignes internationales. Elle travaille pour des clients de premier plan comme les laboratoires Vichy, Guerlain, Dolce & Gabbana, Linvosges, Jimmy Choo, Lanvin ou encore Bulgari. Réalisant 53 M€ de chiffre d’affaires, elle emploie une centaine de salariés, aujourd’hui répartis entre la France, New York, Dubaï, Hong Kong, Shanghai et Singapour.
Des certifications engageantes
Pourtant, le chef d’entreprise n’avait pas attendu ce périple pour faire basculer Anaïk dans une démarche ESG ambitieuse. À l’occasion du rassemblement des quatre sociétés du groupe en un lieu unique, en 2007, des travaux d’aménagement s’imposent dans le nouveau siège choisi. « J’avais alors lancé un concours d’architectes, avec l’intention d’en faire un bâtiment à haute qualité environnementale (HQE), axé sur la qualité de vie au travail (conciergerie d’entreprise, garderie…) », se remémore-t-il. Après avoir obtenu la certification HQE, la PME s’attelle dans la foulée à formaliser une politique RSE plus globale, reposant sur quatre piliers. En l’occurrence les conditions de travail dans les usines, l’éco-conception, la réduction des emballages inutiles et le recours à des modes de transport moins polluants. « Au lieu de subir les demandes de nos clients dans ces domaines, j’ai préféré les anticiper et, ce faisant, faire de la RSE une opportunité plutôt qu’une contrainte ». C’est dans ce cadre qu’Anaïk décroche en 2008 la certification ISO 14001, une norme qui vient prouver que l’organisation en question a instauré une culture d’écoute des parties intéressées et de prise en compte des enjeux environnementaux locaux (pollution…) et globaux (biodiversité, changement climatique, préservation des ressources naturelles…). Suivront d’autres initiatives du même acabit, comme la signature d’une charte éthique et l’adhésion au Pacte Mondial des Nations Unies en 2015, puis l’obtention, deux ans plus tard, de la certification FSC, qui assure au consommateur la légalité du bois et la gestion durable de l’exploitation.
En plus d’intégrer ces enjeux de durabilité dans son modèle d’affaires, la PME a également commencé à développer des collections en partenariat avec des associations auxquelles elle reverse ensuite une partie du chiffre d’affaires correspondant, comme en 2019 avec Wings The Ocean qui lutte contre la pollution plastique. « Par ce biais, nous démontrons que l’on n’oppose plus le rentable et le durable, bien au contraire », apprécie Frédéric Delloye, qui a dès lors voulu saisir les innovations offertes par la loi Pacte de 2019 pour ancrer cet engagement dans les statuts d’Anaïk. « En pleine crise sanitaire, j’ai mis à profit le (premier) confinement et le fait que l’entreprise se soit retrouvée fermée pour réfléchir à l’adoption du nouveau statut de société à mission », poursuit-il. Quelques semaines plus tard, le dirigeant convoque ses équipes en séminaire pour leur exposer le projet. « Un peu de pédagogie a été nécessaire car certains collaborateurs pensaient que nous allions devenir une sorte d’entreprise collaborative, amenée à redistribuer l’intégralité de ses profits à des causes d’intérêt général. Une fois nos missions clarifiées, la transformation d’Anaïk est vite devenue une évidence pour l’ensemble des équipes ».
Un comité de mission ouvert sur l’extérieur
Durant l’été 2020, Anaïk se dote ainsi d’une raison d’être : générer un impact positif et durable sur les personnes et la planète dans le secteur de la promotion des ventes. Pour y parvenir, la PME se donne pour mission de poursuivre, dans le cadre de son activité, quatre objectifs sociaux et environnementaux. Ceux-ci visent à soutenir le développement de ses produits et services pour restaurer la biodiversité, à organiser l’activité en s’assurant du respect des droits et de l’épanouissement professionnel des salariés, à accompagner et à s’assurer de la progression de l’impact social et environnemental positif de ses prestataires, et, enfin, à promouvoir un comportement éthique et écoresponsable de la part de l’ensemble de ses partenaires professionnels.
Conformément au cahier des charges qu’une entreprise à mission doit respecter, Anaïk met en place un comité de mission. Composé de trois membres, personnes physiques, cette instance comprend le ou la responsable RSE du groupe, qui sélectionne et désigne comme membres deux salariés volontaires. « L’organe a la faculté d’inviter à ses réunions toute personne dont la présence lui paraîtrait utile », précise Frédéric Delloye. S’agissant de la feuille de route ESG et des indicateurs (KPI) qu’Anaïk a définis et dont ce comité suivra l’évolution, leur élaboration n’a pas entraîné de difficultés particulières. « Nous avons repris les KPI existants, modulo quelques simplifications ». L’entreprise a été auditée l’an dernier par le cabinet de Saint Front au titre de son nouveau statut, avec succès. De fait, comme le relève par exemple le dernier rapport de mission rédigé par son comité de mission, Anaïk a déjà diminué ses émissions globales de gaz à effet de serre de 68 % entre 2020 et 2022.
Patagonia, une source d’inspiration
Récemment certifié B Corp, un label mondial qui distingue les entreprises les plus exigeantes sur des plans ESG, et comptant parmi les 15 % de sociétés les mieux notées pour leurs performances RSE par Ecovadis, le groupe nordiste ne compte pas en rester là. Sans négliger le volet économique (élargissement de l’offre de produits, accélération du développement à l’international…), il entend en effet accroître la part de ses produits éco-conçus – qui dépasse 50 % aujourd’hui – dans le but notamment « d’aider nos clients à améliorer leur empreinte carbone », tout en renforçant sa politique de traçabilité. Après avoir ouvert le capital de sa société aux salariés (voir encadré), Frédéric Delloye envisage d’autres évolutions afférentes à la gouvernance. Le cas de Patagonia pourrait l’inspirer. « En tant que fervent de montagne, je suis cette entreprise de près, et je trouve la démarche de son dirigeant extrêmement intéressante », pointe Frédéric Delloye. Il y a un an, le fondateur de cette marque américaine de vêtements de plein air, Yvon Chouinard, annonçait la transmission de 100 % du capital de son entreprise à une association à but non lucratif (98 %) d’une part, et à une fondation-actionnaire (2 %) d’autre part. « Ce modèle des fondations-actionnaires trouve un véritable écho en moi », déclare Frédéric Delloye. En cas d’acquisition structurante, celui-ci pourrait aussi faire appel à un fonds d’investissement « respectueux de nos valeurs ». Une chose est sûre : Frédéric Delloye est prêt à se donner tous les moyens pour permettre à Anaïk de poursuivre son ascension.
